Xuman : « Le reggae me motive, m’encourage et me donne de l’inspiration mais je fais du rap »

par | 19 février 2010 | Rap Galsen

Xuman n’est plus un artiste que l’on présente aux sénégalais. Souriant, simple, le regard timide, cet homme à la taille élancée fait partie des pionniers du rap Galsen. Le reggae est sa grande passion même si c’est le rap qui remplit son frigo.

Dakarmusique.com : Peux-tu nous parler de ton parcours musical ?
J’ai toujours été avec Pee Froiss. Ce fut mon unique groupe depuis que je suis rentrée d’Abidjan dans les années 90. J’avais un cousin danseur, Yoro Diop, qui évoluait dans le groupe New Froiss. J’ai intégré le groupe après on trouvait que c’était trop radical. On a ensuite décidé de changer le nom d’où P Froiss, quelque chose de froissé.  Tout simplement pour dire qu’on ne juge pas un homme ou une chose selon  son apparence.

Il faut découvrir ce qu’il y a à l’intérieur. C’est de là que nous somme partis pour devenir ce que nous sommes maintenant.

Dakarmusique.com : Est-ce que le groupe existe toujours ?
Afin, ca fait un bon bout de temps qu’on ne nous entend plus mais le groupe existe toujours. On aurait fait une conférence de presse pour annoncer l’éclatement du groupe si c’était le cas. On a juste décidé de sortir, chacun, un album solo avant de nous retrouver Kocc 6, G Bess et moi.  C’est comme une pause que l’on s’accorde. On évolue ensemble depuis 1993 mais il y a des choses qui m’engage et que je ne peux dire ou imposer au groupe. Nous n’avons pas les mêmes convictions. On ne pense pas forcément de la même manière. Nous n’avons pas sorti d’album parce qu’on ne s’empresse pas. Ce n’est pas une course (rire), il n y a pas de pression. On veut bien cuisiner le repas (l’album) jusqu’à ce qu’il soit bien mûr. Un travail de qualité quoi !    

Dakarmusique.com : Que signifie ton pseudo ?
On m’appelle Gunman pour deux raisons. La première est que ca signifie en anglais « l’homme à l’arme », (il sourit). J’ai toujours aimé, depuis l’enfance, les films de gangsters, les films d’actions avec des armes.  C’est violent mais la moralité est que c’est toujours la vérité qui triomphe à la fin. Donc, je suis comme l’homme qui a son arme et qui tire sur les bandits de la société à travers mes lyrics. La deuxième signification en wolof Gunman, c’est le meilleur des hommes. Il y a ensuite Xuman, qui veut dire Makhou. Etant petit fils d’un grand érudit musulman (counta counta), je ne pouvais pas m’attribuer d’autres pseudos. D’ailleurs, ca a été difficile au début de ma carrière parce que ma famille, surtout ma mère, ne comprenait pas pourquoi je voulais évoluer dans la musique. Il fallait que je les persuade que ce n’est pas seulement les griots qui chantent mais que je fais du rap pour la bonne cause.

Dakarmusique.com : Et comment ca se passe maintenant avec ta famille, a-t-elle accepté ce que tu fais ?

Bon ca va mieux maintenant avec la famille, ma mère surtout. Elle est fière de moi, elle rit toujours en écoutant « beuré boukki » et ca fait chaud au cœur.  Je pense à elle à chaque fois que j’écris des textes parce que je sais qu’elle écoute tous mes sons. Je reste son « petit » garçon malgré mon âge (rire). Je n’ai qu’une fille et elle vit avec elle. ca facilite un peu les choses pour moi. Je profite des weekends pour passer le maximum de temps possible avec ma famille.

Dakarmusique.com : Tu fais du reggae ou du rap ? On s’y perd dés fois.
(Sourire) c’est vrai ! Beaucoup savent que j’aime le reggae, c’est la musique que j’écoute sur mon Ipod, sur mon portable, la musique que j’écoute tout le temps. Le reggae me motive, m’encourage et me donne de l’inspiration mais je fais du rap. C’est le rap qui remplit mon frigo et qui paie mes factures. Je ne veux pas sortir un album reggae parce que ce n’est pas encore le moment. Je veux avoir le temps de me perfectionner dans cet art, prendre le temps de l’apprendre. Tu sais, je me vois mal entrain de faire du rap sur un podium avec un DJ derrière moi à 40 ans. Le hip hop est une histoire de génération. Il y aura un certain écart entre ton public et toi à un certain moment parce que les niveaux de maturité ne seront pas les mêmes. Le public est âgé entre 15 et 30 ans, peut être. Alors si tu as 40 ans, tu ne seras plus dans la même tranche d’âge. Cependant, il est possible de faire du reggae à 50 ans, c’est un style qui traverse les âges.

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Dakarmusique.com : Quel style de rap fais-tu ?
On a acquis beaucoup de bagages avec le temps et l’expérience. Je fais du rap depuis plus de 10 ans. On n’avait pas de références sénégalaises au début. On a été les pionniers du rap Galsen.  On copiait juste sur les rappeurs français et américains et on a fini par avoir notre propre style de rap. C’était mécanique, un peu dur au début mais le temps nous a permis de trouver notre chemin. Je dirai que j’ai eu assez d’expériences pour créer mon propre style. C’est peut être aussi ce qui fait ma particularité. Je ne chante pas de la même façon que Simon ou Gaston. Les styles diffèrent aussi selon mes mots et mes thèmes. Il faut attirer l’attention des gens sur ce que je dis. On sait tous écrire des textes mais il faut de l’originalité.

Dakarmusique.com : Qu’est ce qui t’inspire des textes comme « fifi » ou « beuri bouki » ?
La vie !  Il y a eu « fifi » qui symbolisait une fille dénudée de valeurs. Les fans l’ont trouvés trop hardcore et il fallait que je fasse un morceau moins dure. D’où « beuré boukki » qui est la suite de « Fifi ». Une fille terrible qui trouve un mari qui ne vaut pas mieux qu’elle. Certains n’ont pas compris le message que je voulais passer dans « Fifi ».  On voulait attirer l’attention de nos sœurs sur les valeurs à préserver. Et dans « beuré boukki » pour dire que nous somme tous complémentaires, les hommes et les femmes. Un couple doit être harmonieux et qu’un homme ne doit pas exiger quoi ce soit à sa femme s’il ne remplit pas son rôle de mari. Un homme doit aimer, protéger et respecter sa femme au lieu d’être trop égoïste. Il faut aussi protéger les enfants parce qu’on voit dans « beuri boukki » l’enfant qui supplie sa maman de ne pas se battre contre son père. Je suis l’enfant d’un couple divorcé et je sais que ce sont toujours les enfants qui en pâtissent. Peut être que j’ai pris un peu de recul avec le temps et l’âge mais la cicatrice est toujours là, ce n’est pas évident. La chanson est comique mais c’est pour dénoncer la violence conjugale.

Dakarmusique.com : Quels rapports as tu avec tes frères rappeurs ?
De bons rapports en général mais il peut y avoir des grincements même si ce n’est pas volontaire. C’est la nature humaine. C’est pas parce que c’est un interview que je dirai que tout va bien, non ! Il y a des rappeurs qui te font un clash, pas pour parler de ton art mais de ta vie privée. Ils t’injurient, disent des trucs vilains sur toi et reviennent te tendre la main à la fin d’un concert. Ce n’est pas rationnel. Je ne te donnerai pas la main parce que ce n’est pas sincère. Tu sais, le hip hop c’est comme à l’école. C’est la récréation qui nous réunit mais sinon tout le monde retourne à sa place. Ce qui est mauvais, c’est de faire du clash juste pour se faire un nom. Nitdoff m’a fait un clash sur « fifi » mais c’est parce qu’il n’avait pas compris le sens de ce morceau. On s’est expliqué et maintenant tout va bien. Je m’entends avec la plupart des rappeurs, il y en a même certains qui m’appellent dés fois pour que je leur donne des conseils artistiques. Les rappeurs n’ont pas trop de problèmes, on nous taxe de compliqués mais il y a parmi nous des gens qui sont de grands intellectuels qui ont suivi un cursus très riche, il y a des philosophes aussi, d’autres ont maitrisé le coran,… On ne parle pas que de la musique quand on est ensemble mais des choses comme la religion… en parlant de religion, c’est l’heure de la prière (il s’excuse et alla faire ses ablutions).

Dakarmusique.com : En tant que les ténors, les pionniers du rap Galsen, ne devriez vous pas faire des formations ou des séances d’information sur le clash pour le contrôler ?
(Il fit non de la tête) on ne peut pas contrôler le clash. Il y a des clashs qui ne sont pas objectifs et ceux qui le font savent très bien que c’est mal. Je ne suis pas exempt de reproches et c’est pourquoi je ne peux pas donner de conseils à ceux qui font cette vilaine chose. Un artiste est quelqu’un qui n’est pas soumis aux règles de la société mais ca ne veut pas dire que tu dois faire des bêtises à tout va. Je ne vais pas faire du clash à un rappeur qui chante sur du zouk ou du mbalax, jamais je n’ai osé y penser. C’est le message qui importe, pas le rythme. On ne doit pas forcément faire un rap engagé pour prouver qu’on est rappeur. Les plus célèbres rappeurs du monde ne dénoncent pas tout le temps. Le public a besoin de sons sur l’amour, sur la beauté de la vie etc. pas toujours des cris et des dénonciations. Il y a des rappeurs qui ne savent pas dénoncer. Malheureusement, certains croient que nous sommes des prophètes alors que nous ne sommes que des humains et tout ce qui va avec. Nous ne sommes pas dans la même classe comme j’aime à le répéter, c’est la récréation qui nous réunit. Nous n’avons pas les mêmes objectifs. Il ya certains qui veulent explorer d’autres marchés alors que d’autres veulent rester au Sénégal.

Dakarmusique.com : Que penses-tu de l’incident qui s’est passé lors des 72h du hip hop ?
L’incident des 72h du hip hop peut être évité je crois bien. Ce sont des fans trop fougueux qui poussent les rappeurs à faire des clashs alors qu’ils n’achètent même pas l’album de leur idole. Ils se contentent d’écouter des émissions de rap à la radio. Ils ne font que ca ou pirater. Ce sont eux maintenant qui envahisse les 72h du hip hop pour semer la discorde. Faisons leur payer l’entrée et on verra si ces fans là dépenseront leurs sous pour la cause du hip hop (il prit un air sérieux). Je précise que le public ne remplit pas mon frigo, il n’achète pas d’albums quoi que je ne crois pas qu’un fan du hip hop soit venu spécialement pour jeter une pierre à Fata. Il y a des choses qui se passent parfois en coulisse et qui échappent à la vigilance des organisateurs. Il ne faut pas dire que c’est le clash qui l’a incité.Ça fait partie de la culture hip hop mais il y a le clash et « beef » qui est une injure que l’on fait au rappeur et à son entourage. Ca n’augure rien de bon et ca finit toujours mal. Le problème est que c’est celui qui a commencé qui a toujours « tort » et c’est comme ca que les choses s’enveniment. Je ne crois pas qu’il y ait une solution pour éradiquer le clash. C’est juste une histoire d’état d’esprit. Peut être qu’éradiquer l’hypocrisie de certains rappeurs serait un issu. On pourrait aussi regrouper les rappeurs autours d’un album pour dénoncer la violence mais c’est inimaginable parce qu’il y a des groupent qui ne se sentent pas. On ne peut pas les regrouper dans un seul studio. Le décès de Bourba Djolof nous a fait redescendre sur terre. Je ne sais pas combien de temps cela va durer mais ca a été une leçon pour beaucoup d’entre nous. On finira tous sous terre. En tout cas, on ne peut pas dénoncer la dictature et l’imposer en même temps au hip hop. Chacun a son style et il nous faut être tolérant les uns envers les autres. Dénonçons plutôt la vulgarité qu’il y a sur les clips que l’on montre à la TV alors que des enfants les regardent. Il faut être le meilleur dans son domaine, le reste n’est que futilités.

Dakarmusique.com : As-tu des problèmes avec le groupe « BAT BLINDE » ?
Rien que des détails (sourire). Je ne veux même pas y revenir, ce n’est pas important.

Dakarmusique.com : Le hip hop vient de perdre un frère en la personne de Bourba, peux tu nous parler un peu de lui ?
Oui (il reste silencieux un moment).  Bourba… j’ai du mal à croire qu’il est parti. Je garde encore les sms qu’il m’avait envoyés récemment. Il aimait prendre de tes nouvelles quand il ne te voyait pas. Il  est … était très attentionné. Un type gentil, aimable, très ouvert, respectueux,… mais il n’est plus là (ajouta-t-il mélancolique). C’est pour  cela qu’on doit revenir sur terre. C’est pour cela aussi que je veux faire la paix avec tous avant d’aller là haut !

Dakarmusique.com : Des projets ?
Je ne peux les énumérer parce que ca risquerait de ne pas aboutir (rire).  En tout cas, l’album reggae est un de mes projets et je fais des émissions à la TV.

Dakarmusique.com : Comment est Xuman dans la vie ?
Je suis de nature calme, paresseux à la limite. Je ne suis pas très matinal, je bosse la nuit et je dors le matin. Je suis aussi très réservé, timide je dirai. Le contact est souvent difficile si je ne connais pas la personne, c’est peut être dû à l’éducation religieuse que j’ai reçu. J’aime le cinéma, la musique, le reggae (sourire) mais la lecture est un de mes passe-temps préféré. Je lis beaucoup, je suis très littéraire et c’est ma source d’inspiration. J’ai toujours été nul en maths à l’école (éclats de rire).

Dakarmusique.com : Ton mot de la fin ?
Redescendons sur terre. Nous ne sommes que des humains. Soyons plus tolérant et plus compréhensif, il faut qu’on se respecte. N’oublions pas qu’on a un ennemi en commun, le système et non nos frères rappeurs. Il ne doit pas y avoir de violence dans le mouvement, pas de haine. Et si le public nous aime comme il le dit, qu’il achète nos albums parce qu’on en a besoin. Bon sinon, dia dieuff et bégué lou bari !

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