Michael Soumah : « le Mbalax est devenu tellement commercial et trop facile comme musique »

par | 14 octobre 2011 | Interviews

Michael soumah, musicien et  animateur radio depuis plus de 20 ans a contribué à l’éclosion de plusieurs jeunes talents de la musique sénégalaise. Cet homme qui a sillonné le monde et rencontré les plus grands noms de la musique mondiale a accepté de se confier à Dakarmusique.  Il s’est longuement épanché sur l’évolution de la musique sénégalaise, et n’a pas manqué d’apporter quelques clarifications sur le Show- biz .

Dakarmusique.com : Bonjour Michael ! Comment vous êtes-vous retrouvé dans le métier d’animateur radio ?
Bon, c’est assez extraordinaire mais c’est la musique qui m’a mené dans  ce métier de l’audiovisuel. En effet, je venais souvent à la radio pour des prestations et c’est à partir de là que je me suis retrouvé dans ce métier.

Dakarmusique.com : Est –ce à dire que vous n’étiez pas prédestiné à ce métier ?
A vrai dire non car  je me voyais plutôt dans la médecine ou dans l’armée mais quand même je précise que je fais partie d’une famille d’artistes musiciens à l’image de mon défunt frère André Lô qui faisait de la musique aux côtés de Soléyamama qui est aujourd’hui député à l’Assemblée nationale. Je me souviens à l’époque on avait un orchestre familial qui s’appelait le « Njaboot » et en ce temps-là, il n’y avait que radio Sénégal vers la fin des années 80 et je venais ici souvent jouer. On m’invitait aussi à des débats qui portaient sur la musique et c’est comme ça que j’ai intégré la radio.
Dakarmusique.com : A travers vos émissions vous avez contribué à l’éclosion de plusieurs jeunes talents de la musique sénégalaise. Qu’est ce que cela représente pour vous ?
Vous savez je suis content de savoir qu’aujourd’hui grâce à l’émission  que j’animais, de nombreux artistes ont pu réussir dans la musique ; et en tant que  musicien,  je connaissais en quelque sorte les difficultés auxquelles les musiciens pouvaient être confrontés à cette époque. Et  c’est à partir de ça que je me suis dit  pourquoi ne pas faire une émission qui permettrait aux artistes de faire leur promotion.et de se faire connaitre. C’est dans ce sens que  « talents nouveaux » est née  et de nombreuses  stars que vous voyez sont passées par cette émission.
Dakarmusique.com : Quels sont les temps forts de votre carrière ?
Des gens comme Demba Dieng, Arame Diop qui sont maintenant retraités  m’ont beaucoup marqué, d’ailleurs j’ai énormément appris aux cotés de Arame Diop, ce qui m’a permis par la suite de me forger car il ne faut pas  oublier que la Rts c’est une grande école qui a eu à former de grands noms de la télévision et de la radio. Ce métier m’a également donné l’opportunité de beaucoup voyager, de suivre des stages de perfectionnement en Europe, j’ai pu aussi rencontrer de grands noms de la musique, j’ai eu à animer de grands podiums de musique aussi bien au Sénégal qu’en Afrique et en Europe ; ça ce sont des moments forts de ma carrière. Il y’a également l’avènement de la radio Dakar Fm créé en 1990, une radio qui a fait aimer le métier d’animation aux jeunes et c’est à partir de cette radio que sont nées toutes les radios aujourd’hui. C’est très fort comme carrière et je peux au moins dire que j’ai apporté ma pierre à l’édifice.
Vous êtes le Premier à avoir animé un concert de Youssou Ndour à Bercy comment avez-vous vécu ce moment ?
C’était en 2000 et ce fut extraordinaire. Youssou Ndour a attendu qu’on soit à Bercy pour me dire : « c’est toi qui va présenter le spectacle ce soir » alors j’ai accepté non sans me dire pourquoi il ne me l’a pas annoncé avant. Ce jour là Bercy était plein à craquer. Il y’avait en première partie Passi et Bidew Bou Bess et je me souviens bien  Youssou m’a appelé trois fois dans sa loge pour des briefings, alors je lui dis Youssou il n’ya pas de problème soit tranquille tout va bien se passer. Je suis ainsi monté sur scène juste après la prestation de Passi et j’ai fait une superbe présentation. C’était tellement bien fait que la présentation a figuré dans le cd. Un moment émouvant car il aurait pu faire appel à un animateur sur place à Paris. Il y’avait les Claudy Siar là bas mais il a préféré faire appel à son compatriote et je considère ça comme un geste fort que je n’oublierai jamais.
Dakarmusique.com : Michael est avant tout musicien, mais on a l’impression que votre carrière musicale ne connait pas le même succès que celle de l’animation, qu’est ce qui explique cela à votre avis ?
Quand j’ai véritablement embrassé cette carrière d’animateur de radio, je n’avais pratiquement plus le temps , j’ai également beaucoup  voyagé donc du coup j’ai mis en stand by la musique ; c’est ce qui a fait que  je n’ai pas pu consacrer assez de temps à ma carrière musicale même si il m’arrivait dès fois d’aller en studio pour faire de petits trucs et de les garder. Là je vais bientôt terminer un album ; les morceaux sont pratiquement tous prêts et j’ai eu à travailler avec quelques musiciens ;  donc j’attends et j’espère que ça va sortir. C’est juste que le temps fait défaut.
Dakarmusique.com : En dehors de l’album-compil sénégalais funk, d’où est tiré d’ailleurs le single Mandingue Fa, n’avez-vous pas un autre produit sur le marché ?
Pour l’instant, il n’ya que l’album compil Sénégal funk qui est sorti, sinon j’ai repris le morceau qui était dans Sénégal funk en version Salsa. Le clip passe d’ailleurs à la télévision, mais comme je vous l’ai dit au préalable, je prépare l’album et les morceaux sont pratiquement finis.
Dakarmusique.com : vous avez également repris le Morceau Mandingue fa en version cabo, peut-on savoir concrètement  le style musical de Michael Soumah ?
En fait, je n’ai pas un style musical à proprement dit. Je peux dire que musicalement parlant, je fais ressortir ce que je ressens ; c’est de la musique africaine en quelque sorte.
Dakarmusique.com : Un mot sur le festival Jazz de Dakar dont vous êtes l’initiateur ?
Depuis que je suis tout petit j’aime le jazz, c’est vrai que je me retrouve dans presque toutes les musiques, j’adore la musique africaine et quoi que l’on puisse dire on sait que le jazz vient de l’Afrique même si il est né aux Etats- Unis. J’adore également la musique mandingue, le Rnb aussi. Et pour en revenir au jazz, j’avais des grands frères qui étaient versés dans le jazz. Ils m’ont fait aimer ce genre musical, raison pour laquelle on m’avait donné une rubrique dans l’émission de Arame Diop qui s’appelait Jazz 30, une émission qui existe toujours mais sous l’appellation Jazz Fm et j’ai assisté aux débuts du festival de jazz de Saint- Louis qui était organisé à l’époque  par les français au Centre culturel français de Saint-Louis, j’ai eu à animer tous les plateaux jazz de Saint- Louis, jusqu’à il y’a 4 ans. Il faut reconnaitre qu’il y’a eu plusieurs tentatives d’organisation de festivals de Jazz à Dakar, d’autres ont aussi organisé des festivals qui n’ont pas duré, alors Je me suis dit que Dakar qui est la capitale du Sénégal représente un carrefour et il faut qu’il ait son propre festival de Jazz alors c’était un projet que j’ai toujours mûri mais ce n’est qu’en 2007 que j’ai démarré l’organisation. Cette année  on en est à la cinquième édition qui se tiendra le mois prochain.
Dakarmusique.com : Après de nombreuses années dans le show-biz, quel regard portez- vous sur l’évolution de la musique sénégalaise ?
Je pense que le Sénégal regorge de nombreux talents dans le domaine de la musique, ça on ne le dira jamais assez,  les idées sont là mais dès fois, ce sont les moyens qui manquent pour les matérialiser. Maintenant peut-on réellement parler de show-biz au Sénégal. Le show-biz répond à des normes. Pour qu’on puisse en parler, il faut forcément qu’il y’ait les structures et les infrastructures qui vont avec. C’est vrai que des gens comme Youssou Ndour ont investi dans ce sens  et des structures ont vu le jour : il y’a la Saprom à l’époque, Jololi, Il y’a également Elhadj Ndiaye du studio 2000 à l’époque. Donc, des initiatives assez positives  qui ont permis aux musiciens sénégalais de s’exprimer comme il le faut. A mon avis c’est aux musiciens sénégalais de s’organiser d’avantage pour créer un véritable show-biz sénégalais, aujourd’hui la production se meurt et il faut reconnaitre qu’à un moment donné elle était dans l’informel, notamment le marché Sandaga avec Talla Diagne. Comme je l’ai dit la production est pratiquement morte. On se sert d’un single ou d’un clip pour faire sa promotion, on devrait revoir tout cela. Je pense que, la musique sénégalaise était bien partie jusqu’à la fin des années 90. Ensuite, il y’a eu une certaine léthargie dans la musique. Le Mbalax était bien parti avec de belles choses qui se faisaient mais vers la fin des années 90 il y’a eu l’arrivée du Marimba , il y’a eu le trop plein de percussion qui a fait que le Mbalax est devenu tellement commercial et trop facile comme musique, tout le monde est devenu chanteur. Aujourd’hui je veux dire que la balle est dans le camp de nos musiciens, des têtes d’affiche de la musique sénégalaise. Il faut faire de telle sorte que notre musique puisse être écoutée et dansée partout dans le monde à l’image du ndombolo, de la musique congolaise qui est aussi syncopée que le Mbalax. Donc il suffit juste de se ranger dans les normes de la musique, ce qui nous permettra de pouvoir faire décoller d’une manière intelligente notre musique et arrêter de verser dans la facilité.
Dakarmusique.com : Le mot de la fin :
Je souhaite que le Sénégal soit reconnu davantage dans le domaine de la musique,  j’aimerai également que les artistes aillent apprendre, qu’ils retournent à l’école. Il ne suffit pas seulement d’avoir une belle voix ; on peut avoir une belle voix et ne pas connaître les techniques adéquates qui permettent de placer sa voix dans une musique. Je connais beaucoup d’artistes qui sont retournés à l’école afin de  se perfectionner  et connaitre les techniques de chansons, les techniques vocales. J’exhorte ainsi les artistes à retourner à l’école, à réapprendre car je pense que c’est important.

Abdoulaye Fadel Kane
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