Le highlife ghanéen, bande-son du premier pays indépendant d’Afrique

par | 20 novembre 2010 | Africa News

Pour les amateurs de musique africaine sixties, le Ghana est un peu le paradis. En quête de highlife dans la capitale, Accra, on a cherché des « dance band » dans les maquis de quartier et les boîtes de nuit insipides. On l’a finalement trouvé un dimanche matin, chez Ebo Taylor, dans une petite ville de l’ouest : Saltpond. Comme quoi…

Quand on connaît mal Accra, on passe plusieurs fois par jour par « The Circle », un rond point imposant d’où partent les taxis et les tro tros, les bus collectifs, à destination d’à peu près n’importe où. Le bouchon de l’avenue Kwame Nkrumah avance au rythme hétéroclite de prières et de chansons en vogue crachées par les hauts-parleurs de la rue.
Ici, la musique urbaine est le hiplife, rencontre plus ou moins heureuse du highlife des années 50 et du hip-hop des années 2000. Encore aujourd’hui, le highlife originel fait fantasmer tous les amateurs de musiques « rétro » africaines. C’est la première musique urbaine à avoir produit des vedettes panafricaines et, surtout, la bande-son du premier pays indépendant d’Afrique.

Dans les années 50, le Ghana avait une longueur d’avance. Mais, en 2010, où peut bien se cacher le sémillant highlife dans cette capitale gigantesque de deux millions d’habitants ?
Musée hétéroclite

Pour en savoir davantage, on me conseille de contacter le professeur Collins, connu comme le loup blanc pour son implication sans faille dans le highlife. Fils d’un Britannique, il est né et a grandi à Accra et possède la nationalité ghanéenne. Le professeur Collins a participé aux mutations du highlife des années 70 avec son groupe Bokoor, puis avec son studio, dans lequel il a enregistré toute une génération de musiciens.

Aujourd’hui, il reçoit volontiers les visiteurs dans son highlife institute, un musée installé en périphérie d’Accra. Le bus en direction de la Tiafa Junction démarre en trombe et slalome habilement. Des larges et propres avenues du centre-ville, on débouche sur des petites rues mal goudronnées. Le tro tro ne peut plus avancer, on continue à pied.

Avec sa maison coincée entre le chantier et une rivière cimentée, le professeur Collins semble inquiet, en sursis. Alors, on plonge avec lui dans le passé. Sur les murs, des affiches de concert, les vinyles d’Ebo Taylor, Bob Pinodo, The Uhuru Dance Band, des stars de l’âge d’or des musiques du Ghana. (Voir la vidéo)

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Son immense connaissance de l’histoire du highlife vaut le détour.

« Tout est parti de l’influence des fanfares et de la guitare, arrivée au Ghana en 1900.Les Fanti, une ethnie du Ghana, ont inventé un style de jeu fanti, l’Osibisa Ba, puis la musique a voyagé des côtes vers l’intérieur des terres, dans les villages, et s’est appelée “palmwine music”, parce qu’on la jouait dans les bars à vin de palme.

A Accra, dans les années 20-30, l’élite ghanéenne a commencé à jouer du foxtrot, des tangos, du ragtime, et elle s’est mise à orchestrer les chansons de rues de l’Osibisa Ba. »

Mais les classes populaires n’ayant pas les moyens de rentrer dans ces clubs réservés aux riches, elles ont créé leur propre musique de rue orchestrée de la même façon, qu’elles ont appelé la « musique des hautes classes », le highlife donc.
Indépendance sonore

Ensuite, grâce à l’installation d’une usine de pressage à Kumasi, une ville du centre, le highlife s’est répandu dans toute l’Afrique de l’Ouest et est devenu le symbole culturel du Ghana. Depuis les années 70, le highlife s’est métissé au folk, au funk, au hip-hop, à l’électro.

Aujourd’hui, difficile de trouver du highlife joué live, à part le dimanche matin. « Les églises sont le seul endroit où l’on trouve des instruments en bon état », glisse Collins.

C’est un dimanche matin, justement, que nous arrivons à Saltpond, petite ville côtière de l’ouest du Ghana. Toute la ville prie et chante –highlife, reggae, « all the music ». Le guitariste Ebo Taylor, vétéran des années highlife, nous accueille chez lui. A plus de 60 ans, ce dandy a décidé « d’africaniser » le highlife, un genre trop marqué selon lui par la structure musicale anglo-saxonne. (Voir la vidéo)

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« Je milite pour une deuxième indépendance sonore… », sourit-il. Il s’appuie donc sur la musique traditionnelle fanti et ses nombreuses percussions pour réinventer un highlife aux rythmiques et thématiques « plus ghanéennes ».

Dans son album « Abenkwan Putchaa », sorti en 2009 à Accra, Ebo Taylor raconte que l’on cherche un récipient pour préparer la soupe de palme, le plat national ghanéen. Pour fêter notre visite, Ebo trinque au gin, à la santé du highlife :

« Il n’est pas mort et n’a pas fini d’évoluer ! »

Eglantine Chabasseur

 

Article Source : Rue89.com

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