KEURGUI CREW : « On ne craint rien parce qu’on circule avec nos certificats de décès ».

par | 25 janvier 2010 | Rap Galsen

Deux hommes à l’allure de bad boys et pourtant une heure passée avec eux fera comprendre à ceux qui ne savent pas par où ils sont passés qu’ils sont en fait les plus cool et les plus simples au monde. Le fou rire est toujours à portée de main avec eux dans les parages. Ils sont réalistes, ils ont la tête sur les épaules .C’est avec un courage sans borne qu’il représente le peuple à travers le hip hop.  Le rap, ils le vivent.

Pourquoi ce nom?
On a choisi ce nom pour plusieurs raisons. Thiat et moi étions voisins et on partageait presque tout parce qu’on trainait ensemble. On était comme une

famille. Alors, on a choisi ce nom là (Keurgui qui signifie maison en français) au moment de nous lancer dans le hip hop pour rester dans le cadre familial. Au début, on avait émis l’idée de nous appeler « les frères » mais ce n’était pas très hip hop. L’autre raison pour laquelle on a choisi ce nom est que la maison représente le monde en miniature. Tout s’y passe. Même les ordures viennent des maisons, le bien, le mal,… tout quoi. Et puisque le rap est un truc révolutionnaire, on l’a choisi alors comme arme de guerre contre les malhonnêtes. Nous sommes venus pour participer à l’assainissement des maisons avec le rap comme outil.

Cette guerre vous a valu, parait-il bien des soucis !
Une guerre qu’on continu de mener malgré les soucis qu’on avait eu dans le passé. En effet, le rap nous a valu la prison. L’ex-maire de Kaolack, feu Abdoulaye DIACK, avait pris la population en otage mystiquement, politiquement, etc. on lui en voulait mais on ne pouvait rien contre lui parce qu’on était jeune. On avait entre 17 et 18 ans. Mais quand on a appris qu’on pouvait se servir du rap pour le vaincre sinon l’affronter, on a sauté sur l’occasion. Les Kaolackois avaient commencé à comprendre et à se révolter parce qu’ils avaient démystifiés le maire. On l’avait discrédité et il s’était dit que nous étions ses ennemis. Tu vois un peu ? il avait essayer de nous faire taire. Au début, il a essayé de nous corrompre en voulant nous emmener en Europe continuer nos études mais nos convictions étaient trop fortes pour qu’on laisse tomber. Alors, on a été tabassé. C’était un soir, après un concert, des gars qui se disaient être nos fans avaient proposé de nous déposé chez nous à bord d’une L200 mais ils nous amenèrent ailleurs dans le quartier qu’on appelle SAM. Ils nous avaient déshabillés, arrosés et tabassés. On a par la suite passé un mois à l’hôpital. On ne pouvait pas porter plainte parce qu’on ne les connaissait même pas. Et pire encore, on ne pouvait pas dire à nos parents qu’on a été tabassé parce qu’ils nous auraient interdit de faire du rap (rire). Nous avons immédiatement repris le rap après. Un an après, on nous accusa d’avoir fait des choses invraisemblables et on nous arrêta. On avait passé trois jours à la police de Kaolack et deux jours à la maison d’arrêt. Et pourtant, c’est le maire qui est revenu avec des avocats pour nous faire sortir de prison mais on n’y comprenait rien parce qu’on était encore immature intellectuellement parlant. C’était en 1998 sous le régime socialiste.ils avaient même censuré notre premier album sorti en 1999.

Est-ce cela qui vous pousse à faire des actions sociales dans les prisons ?
Ce séjour a participé aux raisons qui nous ont poussées, en effet, à faire des concerts et des actions sociales dans les prisons. Notre incarcération fut un moment crucial, un moment hyper important de notre vie personnelle et artistique. Un incident qui nous a forgés moralement et physiquement. Ca a fait de nous des hommes. On était à peine sorti de l’adolescence. On avait toujours été couvé par les parents et là, un beau jour, on se retrouva en prison dans des conditions dérisoires. Là où c’était chacun pour soi. La prison a servi de transition entre notre vie de boy et notre vie d’adulte. On en acquit en maturité. Et artistiquement, ça nous avait fait comprendre l’importance de ce qu’on faisait. On se dit que si notre message dérangeait une autorité d’une localité quelconque, pourquoi ne pas élargir nos textes et parler des problèmes de tous les sénégalais, de tous les africains quoi. Mais sincèrement, on veut partager ce qu’on a avec nos frères qui sont en prison par compassion, oui, mais aussi par reconnaissance. On avait été accueilli comme des héros à la prison alors qu’on pouvait avoir tous les problèmes du monde là bas.  Les prisonniers disaient qu’on les représentait et ils commencèrent à nous dévoiler les secrets, ce qui se passait entre les quatre murs (drogue, sexe, maltraitance, etc.) et on peut dire que cela a favorisé notre libération parce qu’on commençait à savoir beaucoup trop de choses. Les responsables ne pouvaient pas nous isoler parce qu’on n’était pas des criminels. (Sourire). En tout cas, on en a beaucoup appris. Mais on ne fait pas que des actions sociales dans les prisons. On a récemment fait une sensibilisation contre l’émigration clandestine, on fait aussi des school-tours pour sensibiliser contre les IST et le SIDA. Comme projets sociaux, on compte cette année acheter des matelas aux prisonniers mais on a besoin de soutien pour le faire. On veut même proposer un système éducatif qui permettrait aux prisonniers de passer l’examen du baccalauréat en même temps que les élèves.

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Et vous êtes restés agressifs, hostiles au régime même après votre séjours en prison ?
Non ! Nous ne sommes pas agressifs, nous sommes engagés. L’engagement est la quintessence du hip hop, la dénonciation est la racine du mouvement hip hop. C’est vrai que la musique est pour adoucir les mœurs, consoler les cœurs mais le rap est né dans un contexte de domination. On ne peut pas venir dénoncer une injustice en riant ou en s’amusant. Cela demande un peu de sérieux. On a fait don de notre être au peuple, on a fait une rétrogradation de classe sociale pour mieux le représenter. C’est ce qui explique notre nudité sur scène et la montre c’est pour rappeler au peuple que nous sommes en retard, que le Sénégal, l’Afrique est en retard alors que le temps file. On défend les faibles et l’engagement est notre mode de vie. C’est notre choix.  On ne craint rien parce qu’on circule avec nos certificats de décès juste pour te dire à quel point on se donne au peuple. Il n y a pas de craintes, nous n’avons pas peur. On a fait un choix et on le confirme : Keurgui est le cri du peuple.

Que s’est il passé avec Morgun, le membre qui a quitté le groupe ?
Arrêtons de spéculer sur de choses que nous ne comprenons pas. Morgun est un frère, il a huit ans de plus que nous. On a marché cinq ans ensemble. Il a préféré resté en Espagne après la tournée européenne et c’est son choix. Il a suivi sa ligne directive et ca n’incombe que lui. N’entrons pas dans les détails. On le fera le moment venu et vous en aurez l’exclusivité. Nous sommes des êtres humains et il peut arriver qu’on se tire dessus mais ce n’est pas une raison pour dire du mal d’un frère parce que ca restera entre nous s’il y a réconciliation. Je ne dis cependant pas qu’on va se réconcilier. Ce qu’il y a lieu de retenir est que Morgun est un bon rappeur et on n’allait surement pas l’intégrer dans le groupe s’il était nul. L’essentiel est que Kilifa est là, Thiat est là et nous sommes les deux membres fondateurs du groupe. Et quant aux personnes qui préconisent la fin de Keurgui, on leur dit «wait and see». Le rap galsen sera cuit si Keurgui meurt (rire), c’est tout bonnement impossible. Mais anyway, time will tell us !

Vous aimez provoquer mais qu’est ce qui vous a poussé à faire un clash aux dakarois ?
On n’a pas fait un clash aux dakarois mais au rap dakarois (que ca soit clair)! Ce sont les journalistes et les animateurs de Dakar qui disaient que le rap est mort et ce qui est étonnant, c’est que le rap marchait très bien à Kaolack. Alors là, il n y a pas de polémique, c’est le rap dakarois qui était mort et nous avions procédé à une autopsie pour savoir quelles étaient les causes du décès. Nous avons, par la suite, vu que les rappeurs avaient, en fait, une lâcheté intellectuelle, ils ne réfléchissaient plus. Ils avaient viré au reggae, au zouk, au Mbalax, coupé décalé, etc., ils avaient retourné leur veste pour devenir des politiciens et des trucs du genre. Keurgui écrit lui même tous ses textes. Personne ne l’a jamais fait pour lui. Et les rappeurs en ce moment là n’écrivaient plus de textes riches et c’est ce qui avait tué le rap. Mais certains ont cru qu’on avait fait un clash à la ville de Dakar. Ce n’est pas cela. Qu’on se dise la vérité. Si on te dit que tu es « saloum-saloum », c’est que tu ne laisses pas faire ; si on te dit que tu es « baol-baol », c’est que tu es un travailleur (l’argent) mais si on te dit que tu es un boy Dakar c’est parce que tu aimes la facilité. Eh oui !

Est-ce pour cela que ça ne va pas avec Gaston ?
Il n y a rien avec Gaston. Tu sais, Keurgui a dit devant tout le monde « rap Dakar is dead » et il l’a assumé. Ça passe ou ça casse quoi mais Gaston a mal compris nos intentions et il a fait un clash à Keurgui et à tous ceux qui ne sont pas de Dakar. Alors, les habitants des régions lui en ont voulu. Kaolack a été le dernier endroit où on lui a jeté des pierres, cela s’était déjà produit à Pikine et dans d’autres localités. On était en Espagne quand cela s’est passé et il a déclaré dans une radio de la place qu’on avait envoyé des gars lui jeter des pierres. Soyons honnêtes envers nous et au public. C’est ce dernier qui l’a démystifié. Il devrait reculer pour mieux sauter, c’est ce qu’on lui conseille. Qu’on arrête de dire qu’on a des litiges avec les autres rappeurs. On n’a pas de soucis avec personne, on va où on veut, on fait ce qu’on veut et on joue où on veut (rire)!

A votre avis, qui est le roi du hip hop galsen ?
Le milieu du hip hop peut être assimilé à une équipe de football où chaque joueur veut être titulaire. Keurgui est titulaire sur ce qu’il fait, les autres seront des remplaçants (hochement de tête en riant).

Vos projets ?
On a des concerts, une tournée avec dirty production. Le travaille ne s’arrête jamais. On travaille sur la promotion du dernier et en même temps sur un prochain album qui s’appellera « encyclopédie ». On a choisi ce nom parce qu’on parle des sciences qui vont servir de vaisseau spatial aux terriens pour aller à la planète mars. Ce sera bientôt dans les bacs. On sortira un nouveau clip cette semaine. On donne rendez vous au sénégalais à un grand festival qui aura lieu à Kaolack au mois de mars. Sinon, il y a les school-tours!

On voit des graffitis de Keurgui partout à Dakar, n’est ce pas une sorte de pollution ?
Ça ne pollue pas la ville, ça l’embellit au contraire et c’est l’œuvre d’une seule personne qui s’appelle 2M GRAFF. On ne lui a jamais donné un franc, il ne l’acceptera pas de toute façon. Il le fait parce qu’il croit aux principes de Keurgui. C’est pour cela qu’on a chanté ses mérites dans un de nos morceaux, juste pour le remercier.

Parlez nous un peu des membres ?
On m’appelle Thiat parce que je suis le cadet du groupe mais je suis l’ainé de ma famille. J’aime le foot, le droit, la politique, le rap (bien sur). Je suis un célibataire qui cherche une femme (hummm) mais les filles ont peur de moi à cause de mon style afro peut être aussi parce que je suis vilain (rire). Je n’ai pas d’enfant. J’ai continué mes études pour avoir des capacités des droits, je veux être juridiquement diplômé. Je suis un adepte de la lecture, j’ai beaucoup de bouquins chez moi mine de rien. J’ai des ambitions politiques, de très grands projets. Il faut que je fasse parti de ceux qui changeront le Sénégal. J’espère y arriver avec le soutien du peuple. Je ne veux pas tout dire mais on verra inchallah.
On m’appelle kilifa parce que j’ai quelque mois de plus que Thiat. Je suis le père de Keurgui, l’ainé, le sage, tout (rire). Je suis célibataire, sans enfant. Je ne suis pas marié parce que je ne suis pas encore prêt, je ne veux pas faire souffrir ma femme. On voyage beaucoup et on manque de temps. L’argent et le confort ne suffissent pas pour s’épanouir dans un mariage. Le téléphone non plus! Sinon, je dirai que je me documente souvent, j’aime le secteur de l’élevage. Ca me passionne et je suis à mon propre compte. Machallah, je fais des opérations tabaski, korité, noël, etc. (rire)

Et pour terminer ?
Pour terminer, on remercie les sénégalais de  nous avoir compris. C’était un peu difficile au début mais là on a leur soutien et ils nous motivent. Mais ils ne seront pas déçus, encyclopédie est en route et ca promet ! On remercie les kaolackois. On les représente partout au monde. Ils sont très fidèles à Keurgui. On sera toujours là pour les fans et merci également à dakarmusique. On remercie le Président Abdoulaye Wade aussi (éclats de rire) parce que grâce à lui, les sénégalais sont maintenant éveillés, grâce à lui les sénégalais sont conscients et grâce à lui on ne les trompera plus. On prépare une pilule contre le mal du président parce qu’on ne peut pas l’hospitaliser à Dalal Khél.

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