S’il est vrai que le désespoir est seulement un manque de talent, l’espoir peut être permis du coté de grand Yoff avec le Jah me Rue qui représente dignement cette localité. Avec une mixtape sortie en Mai 2013 et qui fait toujours son petit bonhomme de chemin, Jah Me Rue est un collectif regroupant des artistes solo et des groupes tels que Khekhou Ndiago, Bou Atomik, karballah etc. Les 5 membres du groupe (Stan Flinger, Mister Zou, Wicky Lohj, Karballah et El Chigga) sont passés aux studios de Dakar Musique pour un entretien exclusif.
Dakarmusique.com : quelle est la signification de Jah Me Rue ?
Jah Me Rue est une philosophie que nous avons adopté bien avant qu’elle ne soit un crew. C’est une philosophie qui regroupe trois initiales avec Jah qui veut dire Dieu que nous concevons, à la suite des rastafaris, comme le tout puissant Dieu. Le Me fait allusion au Moi, à ma personnalité, et Rue on l’a conçu comme l’espace où on exerce l’interaction entre le Jah et le Me, la divinité et le moi. Jah Me Rue veut dire Dieu, Moi et la Rue.
Dakarmusique.com : comment parvenez-vous à faire la transposition de cette philosophie inspirées des rastas pour en faire un pilier du hip hop pour ne pas dire de votre musique ?
Vous savez on est tous Jah Me Rue en ce sens que c’est quelque chose de fondamentale, le Jah est universel, omniprésent et omnipotent. Donc tout ce que l’on fait est en rapport avec le Jah, la personne manifeste individuellement sa personnalité afin de retrouver le Je qui est son équivalent (Me) et la rue est le seul espace où on peut être en phase avec les vicissitudes de la vie (spirituelle) que son le bien et le mal.
Dakarmusique.com : parlez nous un peu des origines de Jah Me Rue ?
La philosophie existe depuis très longtemps, il n’y avait pas seulement les rappeurs qui adoptait cette philosophie mais c’est le hip hop en général dans toute l’identité de sa différence. Nous on est Jah Me Rue et on ne s’occupe pas d’autres choses. La philosophie Jah Me Rue existe depuis les années 2007 -2008 et pour ce qui est du collectif, c’est en 2013 qu’il a vu le jour.
Dakarmusique.com : comment s’est fait le passage de la puissance à l’acte c’est-à-dire le passage de la philosophie Jah Me Rue à l’avènement du collectif Jah Me Rue ?
Au début à Grand Yoff il y avait le groupe Khekhou Ndiago dont moi-même en faisait partie et on incarnait la philosophie Jah Me Rue. Ce fut notre marque Streetwear, partout on portait des tee- shirt Jah Me Rue. Par la suite, d’autres comme Azou Atomik et Karballah sont venus incarner la même philosophie. A chaque fois on se retrouvait au studio partageant un même idéal et on s’est dit que nous avons le même combat à savoir l’existence de Grand Yoff sur la carde du hip hop galsen. Comment ? En regroupant nos forces. C’est ce qui a donné sens au titre de notre première mixtape by force (par force, Yoff force). C’est de la sorte que nous avons collaboré ensemble pour sortir la mixtape et le but a été atteint (put the city on the map). On a réussi à positionner Grand Yoff sur la carte du hip hop galsen.
Dakarmusique.com : vous avez pris trois ans avant de sortir votre mixtape en 2013 avec le succès qui l’a couronné, quel est le secret de cette réussite ?
Je peux dire que nous nous sommes beaucoup sacrifiés, on a laissé nos propres groupes pour livrer une bataille collective pour le bien de notre quartier. Jah Me Rue peut se définir vulgairement par Grand Yoff aux potentialités énormes. Nous vivons dans une cité hostile en faisant perpétuellement face à des injures et de calomnies. C’est cette image négative que nous voulons rétrograder en faisant la promotion et l’incarnation des valeurs positives de la localité. C’est ce qui fait que nous donnons toujours le meilleur de nous même pour ne pas décevoir et offrir des produits de qualités.
Dakarmusique.com : musicalement c’est quoi la marque de fabrique du collectif Jah Me Rue ?
C’est l’originalité, le fait de ne pas se contenter des acquis et de donner en permanence ce que nous avons de mieux. Le fait de toujours venir avec des idées novatrices pour sortir du champ de l’ordinaire avec la magie de l’inspiration et de la créativité. Le hip hop n’a pas de limite et l’artiste est celui qui n’a pour patron que ses propres idées. Nietzsche à bien raison de dire que les idées, formées sur des pattes de Colombe, mènent le monde.
Dakarmusique.com : Jah Me Rue c’est des personnalités et des styles différents, comment parvenez-vous à faire le maillage pour maintenir l’équilibre ?
C’est le fait de travailler et de vivre sur des critères de véridicité. Nous sommes tous « street » et notre force réside dans le fait qu’on est instruit avec des activités professionnelles qui sont le plus souvent en adéquation avec le milieu de la musique. C’est l’informel qui nous retarde le plus au Sénégal et nous en avons confiance. C’est ce qui nous a valu une bonne organisation avec l’homme qu’il faut à la place qui lui sied. ( …). Il faut que les rappeurs arrêtent de dire que le rap ne marche pas, si le rap ne marche pas il faut faire en sorte de faire marcher son rap.
Dakarmusique.com : que pensez-vous de votre sélection parmi les 18 artistes de la new génération qui vont devoir se produire au grand théâtre dans le cadre de l’ « Open Doors » initié par le label Diegui-Rails Records ?
C’est un projet que nous saluons à sa juste valeur. La sélection a été très bien faite et le label qui l’a initié à des ambitions gigantesques. C’est un projet très intéressant et c’est un honneur pour nous d’y participer. On fera tout pour que le hip hop galsen sache que la new génération est là et nous ne cherchons même pas à dire fuck les anciens ou autres, le hip hop n’a pas besoin de cela mais de respect, de paix, de solidarité et d’entre-aide. Avec Open Doors c’est un pas en avant que vient de franchir la new génération.
Dakarmusique.com : quels sont vos projets court et long terme ?
Déjà le 16 Aout on a un show au Cotton’s Club (Almadies), le 23 c’est l’« Open Doors ( au Grand Théâtre) et en Septembre on va faire un banlieue tours . De plus on est en train de tourner des clips qui vont bientôt sortir pour préparer l’album de début 2015 inchalah.
Abdoulaye Diaw, Dakar Musique
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