« Avant, le griotisme était basé sur la modestie, l’honnêteté et le respect de la parole donnée » nous dit Amy Koita, la diva de la musique malienne que nous avons rencontrée. Pour sa voix mélodieuse, les messages véhiculés dans ses chansons Amy Koïta est admirée et respectée aussi bien au Mali qu’en dehors de nos frontières.
26 Mars : Quand est-ce que vous avez commencé à chanter ?
J’ai commencé à chanter à bas âge. Ma grand-mère et ma mère chantaient et elles étaient aimées de tous. Mon père chantait et racontait des histoires. Ils ont tous eu une grande notoriété. Avec tout ça, j’ai vu que c’est quelque chose de bon et qu’il y a de très bonnes leçons d’éducation à l’intérieur. Puisque je suis issue d’une famille de griots et que j’avais le griotisme dans le sang, j’ai donc décidé de développer mon talent et devenir griotte.
26 Mars : Si vous pouviez revenir en arrière, est ce que vous auriez choisi un autre métier ?
Si j’avais eu la possibilité de faire autre chose, je l’aurais fait parallèlement à la chanson. Mais ce que j’aime le plus, c’est le griotisme et je ne l’aurais laissé pour rien au monde. Je me suis promenée depuis mon jeune âge, j’ai vu beaucoup de choses et côtoyé de nombreuses personnes. J’étais aimée par beaucoup de personnes de ma génération et tout cela m’a encouragé à bien faire mon travail de griotte parce qu’au-delà de l’argent, il y avait l’humanité, l’honneur et la fraternité au sein de ce métier.
26 Mars : Penses-tu qu’il y a une différence entre le griotisme d’aujourd’hui et d’avant ?
Bon ! Les époques ne sont pas les mêmes. Mais, pour ma part je pense que le griotisme est dénaturé. Nous, à notre époque, le griotisme était une histoire d’héritage et de sang. Il se transmettait de génération en génération. Mais aujourd’hui, tout le monde devient griot, et l’argent est en train de rendre tout le monde fou. Les jeunes ne respectent plus les vieux, il ya des rivalités lors des cérémonies de mariages et de baptêmes sans oublier l’hypocrisie. Avant, le griotisme était basé sur la modestie, l’honnêteté et le respect de la parole donnée.
Au wassoulou, on chantait pour se faire plaisir et égayer les gens. Mais aujourd’hui, c’est devenu un outil à but lucratif. N’importe qui porte un basin et va s’afficher à la télé et dit qu’il est griot. Aujourd’hui, les nobles utilisent les griots comme boucs émissaires. Ils leurs donnent de l’argent pour dénigrer quelqu’un ou pour faire de la provocation. Le griot doit rester à sa place et le noble à sa place. Le griot doit se respecter et respecter son métier pour que les autres en fassent autant.
26 Mars : Face à la situation actuelle de notre pays, pensez vous que les griots ont un rôle à jouer ?
Les griots ont une place et un rôle à jouer dans la résolution de cette crise. Mais elle est minime puisque, les nobles sont eux-mêmes devenus griots. Ils prennent eux même le micro pour chanter et transmettre leur message. Avant, quand un noble voulait faire passer un message, il le faisait à travers un griot. Le noble se distinguait des hommes de castre et chacun était à sa place. Tous les grands guerriers de l’histoire étaient accompagnés par des griots, même sur les champs de bataille. (El Hadj Oumar, Samagnana Bassi, Da Diarra). Avant, à Niarela, les messages étaient transmis par un griot avec une kora. Aujourd’hui ce n’est plus le cas. Ce type de griotisme n’existe plus. Ce que je peux faire, c’est prier, pour que la paix revienne au Mali. Le Mali est un pays béni. Il y a le social, la solidarité et l’hospitalité. Le Mali est un exemple cité à travers le monde entier.
Que Dieu nous préservent Tous ! Qu’il éloigne de nous tous ces démons !
Propos recueillis par Rokya Berthé
SOURCE: Le 26 Mars via Maliweb.net