Il y a un souffle dans cet album et une vraie originalité. Baaba Maal s’est toujours inspiré des chants de pêcheurs et des mélodies paysannes collectés autrefois lors d’un voyage initiatique le long du fleuve Sénégal. Cette fois encore, c’est la trame sur laquelle il s’appuie. Mais il s’en dégage pour se livrer à des duos vocaux et esquisser un flirt novateur avec l’électro.
A ses côtés, à la coproduction, officie Barry Reynolds, qui a travaillé avec Marianne Faithfull et Anthony and the Johnsons. La voix féminine qui dialogue avec lui, en français, en italien ou en espagnol, s’appelle Sabina Sciubba, elle vient du groupe new-yorkais Brazilian Girls. Sa voix mate, son style presque parlé, mettent en valeur le timbre haut perché de Baaba Maal, ses tonalités nasillardes et voilées. Les cordes sont omniprésentes, ponctuées par les vibrations syncopées du tama, le petit tambour qui parle.
Militant engagé dans le développement de l’Afrique, Baaba Maal est impliqué de près dans le projet Africa Express de Damon Albarn. Parmi les thèmes abordés dans ce nouvel album, l’intrusive télévision, « comparable à un étranger à qui vous n’avez pas demandé de s’installer chez vous », les failles de l’éducation au Sénégal, et l’importance croissante du pouvoir des femmes africaines (dont il se réjouit). Incontestablement, un nouveau cap est franchi.
Eliane Azoulay
Source : Telerama n° 3103 – 04 juillet 2009