Suzanne KAMARA : « C’est la mitraillette des sons et la superposition des notes qui rendent quasi impossible le déchiffrement du ‘’mbalax’’…»

par | 17 février 2013 | Interviews

Son talent, elle le doit à la nature, mais aussi à sa rigoureuse formation avec les frères KETE en solfège piano chant et percussion. Ce qui lui a valu le titre de voix d’OR du Sénégal dés la sortie de son premier album ‘’Dagouwalé’’. Aujourd’hui à la tête de son groupe ‘’Le Wassila’’, elle trouve malgré tout, le temps pour s’investir dans des actions humanitaires à travers sa fondation : ‘’Suzanne Kamara une voix pour les enfants’’ où elle se bat pour la protection des enfants défavorisés et les femmes victimes de violence. Auteur, compositeur et interprète, elle est devenue à travers le monde un symbole de bonne volonté de par ses actions visant à changer le regard de la société sur le handicap, et améliorer la qualité de vie des personnes en situation de handicap et de leurs familles. Elle a été choisie pour figurer parmi les cinquante femmes leaders d’exception, Suzanne est unique Premier Prix de Voix de son pays. Entretien.

Dakarmusique.com : Suzanne, le titre de votre nouvel album est très évocateur et beaucoup s’interroge pour savoir si c’est votre expérience personnelle. En d’autres termes avez-vous vécu les choses que vous chantez dans « BoulkoKhadiamal » ?
Personnellement en tant que chanteuse je me sens investie de missions, d’abord celle de porteuse de voix  pour sensibiliser, vulgariser, et éduquer ce qui reste ma mission fondamentale ;  ensuite celle d’égayer et faire plaisir. Je ne peux donc me suffire de ma vie pour assurer cela,  je m’inspire de tout ce qui se passe autour de moi la joie, et la souffrance des autres. Cependant, je privilégie les thèmes qui touchent la majorité. C’est pourquoi j’ai chanté ‘’boulkokhadiamal’’ pour dénoncer l’envie et la jalousie dans les familles et dans les milieux professionnels,  la méchanceté entre frères, entre collègues de bureau. Pour dire simplement qu’on ne peut être accompli, on ne peut pas tout avoir mais surtout d’être fière et noble dans l’opulence comme dans la pauvreté. Par ailleurs comme son nom l’indique,‘’boulkokhadiamal’’ dénonce aussi tous les dérèglements sociaux, et les extravagances de nos dirigents qui peuvent pousser la population à se soulever.

Dakarmusique.com : qu’est-ce que vous répondez à ceux qui disent que vous êtes un des chanteurs de Me Abdoulaye WADE ?
Vous pensez qu’il ya des gens qui disent que je suis une chanteuses de  Wade ? Non je ne pense pas, mais permettez moi de vous faire un léger recul historique. J’ai eu le plaisir de le rencontrer  pour la première fois dans les années 90 au Musée National, il s’était approché de moi, m’a encouragée et j’ai senti qu’il était très ému. Il a tenu mes mains frêles dans ses mains et a prié longuement pour moi. Il était le leader de l’opposition et vous savez les relations étroites que j’entretenais avec Madame Elizabeth Diouf, qui est et sera  jusqu’à la fin de ma vie ma marraine. Quand le président Wade est arrivé au pouvoir il a fait appel à moi pour  l’hymne de la Renaissance Africaine,  j’ai  ressenti en lui la même émotion qui l’avait animé dix ans auparavant.  Je respecte le président qui a réussi à sortir par la grande porte d’ailleurs le président Obama a fait référence à notre pays en matière de démocratie.  Je respect son geste qui a préservé le Sénégal du chaos. Le président Wade est une Grande Personnalité de notre temps.Je n’ai jamais composé un chant pour lui et je n’ai jamais composé un chant pour sa campagne électorale. Donc je ne suis pas la chanteuse mais l’interprète de l’hymne de la Renaissance Africaine, qui prône l’unité africaine, je suis fière de l’avoir interpréter et  je le revendique. Une vingtaine de chanteurs se sont bousculés pour l’interpréter, moi, j’ai été choisie illico comme je lai été pour ‘’Open up  de Nescafé International’’ où il fallait un interprète pour chaque continent.

Dakarmusique.com : Dans votre carrière, qu’est-ce qui  vous a le plus marqué ?
Mach Allah il ya en beaucoup vraiment beaucoup d’événements survenus dans ma carrière et qui m’ont remplie de joie immense.

Dakarmusique.com : vous pouvez nous en citer deux ou trois ?
Je peux citer par exemple ma prestation au « Moses Mabhida Stadium’’ à Durban, ce que j’ai ressenti est indescriptible quand 63 000 personnes ont réclamé un tour d’honneur après ma prestation, tout le monde s’est levé et m’a acclamé par un standing ovation pendant tout le temps que je faisais le tour, c’était très émouvant. Je peux  aussi citer ma rencontre avec les Frères Kété qui ont beaucoup contribué à ma carrière, c’est grâce à eux que je suis l’unique « Premier Prix de Voix en Afrique’’.

Dakarmusique.com : Etant une chanteuse expérimentée, comment jugez-vous l’évolution du « mbalax » ?
C’est le terme évolution qui me dérange un peu, car dans la musique « mbalax » ce sont les instruments qui évoluent et  les danses qui  changent, mais le « mbalax » reste le ‘’mbalax’’ une musique DVL.    

Dakarmusique.com : DVL ?
Durée de Vie Limitée !!!  Le ‘’mbalax’’ que j’aime pourtant bien est une musique avec beaucoup de percussions calibrées pour les sénégalais par des sénégalais, et qui tourne autour du même soubassement de deux accords.

Dakarmusique.com : selon vous pourquoi le « mbalax » reste une affaire sénégalo-sénégalaise ?
La conception universelle de la musique est basée sur une logique mathématique qui est réglementée. Or les différents rythmes du ‘’mbalax’’, posés sur les mesures ne rentrent pas dans ces normes internationales. En effet, c’est la mitraillette des  sons et la superposition des notes qui rendent quasi impossible le déchiffrement  du ‘’mbalax’’, car il y’a des empiétements sur les mesures. Chaque combinaison de notes doit être exécutée distinctement selon une lignée logique pour rentrer dans les quatre temps qui est le socle de la musique.

Dakarmusique.com : quel exemple simple voulez-vous proposer pour éclairer davantage les esprits simplistes comme le mien ?
je prends exemple sur la cuisine. Pour faire du « ThiébouDieun » (Riz au poisson), il faut du riz,de l’huile, de l’eau, des légumes, de la tomate etc.  est-ce qu’on peut dés le début tout mettre en même temps ?Non ! Pour réussir cette préparation, cela exige un processus graduel, exécuté étape par étape avec le respect des temps de la cuisson dont le dosage est opéré par le feu etc. Donc ce n’est pas la présence de la percussion, mais la manière de l’utiliser. En toute chose il y’a le concept et l’expression du concept. Je vais vous raconter une anecdote, une fois je devais me produire  en Europe, au moment de faire la balance l’ingénieur a piqué une crise quand il devait introduire dans  le logiciel de son ordinateur  les « Sabaar » : le « Tama », le « Djembé », le « Thiol », le « Nder », et le « Mbeung-Mbeung » ; il a eu une dépression  éphémère le pauvre.

Dakarmusique.com : les gens disent à votre endroit : bon rythme, belle voix, bon son, qu’est-ce que cela vous fait ?
De la fierté ! Fière d’un travail, de tout un ensemble, car SUZ’PRODUCTON est une solide organisation et bien structurée. D’autre part je m’efforce dans tout ce que je fais de refuser de bluffer ou de manipuler mon public ou encore moins mes fans mélomanes, moi, je veux toujours donner le meilleur de moi-même. En effet comme toujours c’est un impératif pour moi de réaliser des prestations de  haute facture,  une musique  gaie,  et variée qui touche toutes les sensibilités pour éviter de se verser dans la monotonie lassante. Je refuse  en somme de me laisser charmer par l’aisance que confère  la routine.

Dakarmusique.com : des projets en perspective ?
Oui beaucoup de projets musicaux. Vous savez pendant longtemps à cause des mes enfants qui étaient très jeunes je me refusais de les laisser à la maison pour aller jouer en soirée,  « dama napp ci dom’ » malgré des nounous disponibles que je remercie au passage, je ne pouvais pas me le permettre c’était certes un frein, mais cela en valait la peine pour moi. Aujourd’hui elles sont autonomes, je vais commencer à jouer à partir du mois de mars parce que tout est fin prêt. Pour les autres projets  les mélomanes seront avisés à temps.  

Dakarmusique.com que dites-vous à vos fans pour maintenant ?
J’ai  concocté pour eux  un répertoire extra,  ils m’ont réclamée ces soirées et AfterWork, je suis avec eux, nous voulons  marquer les esprits  avec nos soirées et AfterWork  par  le grand retour de la soul rétro. Notre répertoire est un grand voyage dans le temps, un survol dans le son des 60’s, et un plongeons dans le présent avec mon propre répertoire caractéristique d’une musique aérée avec  de la  percussion subtile et stimulante : une ligne de basse ronde et chaude, des guitares pleurantes et une voix.  Nous voulons ici proposer, une musique qui  se la joue   haut de gamme. Les mélomanes adoreront le clin d’œil aux Blues ponctués de « In the Ghetto» ,  « Summertime »  scandant de « Mandela »  et les solos de guitare chargés d’effets de l’excellent « Destiny», véritable tube en puissance. Je leur donne rendez-vous à mes fans à partir du 1er mars au Shéhérazade puis à l’Impala  Ouakam, au SélébeyoonSicap Amitié,au Teroubiet certainement au LittleBoudha.

Dakarmusique.com : que pensez-vous du site et radio online Dakar Musique ?
Que du bien ! Votre initiative est à saluer,  personnellement j’adore les jeunes pleins de volonté et de savoir faire. Je vous encourage à aller en avant et a affronter les difficultés et les péripéties, mais surtout de rester unis dans la franchise et soyez toujours professionnels.

Par Moustapha KORERA, DAKAR MUSIQUE
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