Absent de la sphère musicale depuis 03 ans, Suzanne Kamara, l’artiste à la voix suave, revient en force. Cette fois-ci avec un single, «Sama Khol». Elle y chante son amour en particulier et les ménages sénégalais en général. Ce single annonce la sortie de son troisième album dans les mois à venir. Seneweb est allé à sa rencontre. Entretien
Nous avons appris que vous vous apprêtez à sortir un single ?
Oui, c’est un single qui a comme titre «Sama khol». J’y chante mon mari, mon cœur. Mais au-delà, c’est une chanson qui traite des bonnes relations dans le couple : la compréhension, la complicité et la communication qui sont les mamelles nourricières de l’amour. Malheureusement, chez nous on ne communique guère. A cela s’ajoute l’immixtion de tout le monde dans le couple : beaux parents, amis, collègues, voisins etc. Ce single sera suivi d’un album ou peut-être deux. C’est pour très bientôt, c’est une question de mois.
Pourquoi le choix de ce thème?
C’est un thème qui me tient à cœur. Récemment, quand j’ai vu le nombre de divorces par an au Sénégal, c’était hallucinant. La bonne santé d’une Nation se mesure à l’aune de l’équilibre social dont le socle est la famille. Il faut faire quelque chose pour voir où le bât blesse. C’est vrai que le mariage est devenu très fragile.
Vous êtes restée longtemps sans sortir un single, encore moins un album, pourquoi ?
Mon dernier album «Boulko khadiamal» vient tout juste d’avoir trois ans. Je ne suis pas dans les dispositions de sortir chaque année un album avec un destin kleenex. Je travaille mes œuvres et il me faut du temps. Mais j’ai sorti, entre temps, deux productions : l’une sur le «Moytou nef» (espacement des naissances) avec Intra Health et l’autre sur les droits des enfants qui est un single suivi de clip. C’était aussi un programme de tournées de sensibilisation communautaire.
Par ailleurs, je tenais à consacrer du temps pour l’éducation de mes enfants qui passe avant tout le monde. Je voulais leur donner une base solide. Aujourd’hui, Machala elles sont autonomes à 75%.
A vous entendre parler, on peut dire que Suzanne Kamara est fin prête pour se focaliser sur sa carrière musicale?
Oui ! D’autant que mes filles sont devenues mes conseillères. Elles sont très critiques. Elles peuvent se gérer, vous l’avez remarqué vous-même, (l’interview s’est déroulée dans sa chambre d’hôtel, en présence de ses deux filles qui écoutaient attentivement leur maman : Ndlr).
Donc, c’est une Suzanne Kamara new-look que le public verra ?
Non, pas de new-look, pas de Suzanne Kamara «is Back». Je suis et je reste la même Suzanne Kamara avec plus de temps libre pour me consacrer entièrement à la musique en live avec mon groupe le «wassila».
Que réservez-vous à vos fans qui ont hâte de vous voir chanter à nouveau?
Beaucoup de bonnes choses, de la bonne musique en acoustique et des variétés haut de gamme. Le public sera informé.
Aujourd’hui, avez-vous vraiment accompli vos rêves d’enfant?
J’étais rêveuse. Je le suis toujours d’ailleurs. Je rêvais d’inscrire mon nom dans l’histoire culturelle du Sénégal. Je voulais vivre un grand amour, fonder un foyer, avoir des enfants stables. Je rêvais de changer le visage du handicap et c’est une bataille à deux niveaux : au niveau de la population, mais aussi au niveau des personnes vivant avec un handicap. Bien qu’il n’existe pas de panaché établi, il faut reconnaître qu’il est primordial d’instruire ces personnes pour qu’elles puissent s’affranchir de l’ignorance et de la pauvreté qui sont les premiers handicaps chez l’être humain.
Permettez-moi de rendre un vibrant hommage aux frères Kété. Ils m’ont formée avec la plus grande rigueur. J’ai eu une formation de qualité. Aujourd’hui, partout où je vais dans le monde et devant n’importe quel musicien, je lève la tête fièrement et je le traite d’égal à égal. Sans fausse modestie, je lis, j’écris, j’arrange et je compose. Donc à la fin de ma formation de huit ans, il fallait que cela soit couronné par un examen. Les examinateurs sont donc venus de la Russie à travers la coopération sénégalo-Russe. Il y’avait des professeurs de musique et ils choisissaient au hasard n’importe quel classique. Donc j’ai exécuté l’extrait «Una voce poca fa» du Barbier de Séville, considéré comme le chef-d’œuvre de l’opéra italien. C’est haut la main, avec la mention très bien, que j’ai eu mon examen pour être à l’époque et certainement jusqu’à présent le seul «premier prix de voix» en Afrique. J’ai reçu les honneurs de plusieurs personnalités africaines.
Quels sont les évènements qui vous ont marqué dans votre carrière musicale?
Là aussi, permettez-moi de rendre encore une fois hommage à un homme qui a beaucoup contribué à ma carrière. Je veux nommer Son Excellence Babacar Diagne, ambassadeur du Sénégal aux Usa. C’est grâce à lui, à travers son émission Tgp, que le Sénégal m’a découvert. J’étais très jeune, j’avais quinze ans et la première dame Madame Elisabeth (à qui d’ailleurs j’ai dédié une chanson dans mon prochain album) m’a adoptée et a tout fait pour moi.
Pour répondre à votre question, je peux citer la visite du Pape Jean Paul ll, le fait de l’avoir vu, ce qui était un rêve car j’admirais ce personnage et je collectionnais tout ce qui le concernait. Le fait aussi que je sois la seule musulmane au monde à avoir chanté pour lui grâce au défunt tonton Julien Jouga qui m’adorait, paix à son âme. Quand Aïcha Koné, au sommet de sa gloire, lance un appel lors d’un passage au journal télévisé de la Rts pour me rencontrer. Ce fut un grand plaisir. Il y a aussi Myriam Makéba qui a fait les chœurs pour moi lors d’une interprétation de Malaïka. Je peux citer ma rencontre avec Hilary Clinton qui a aussi chanté «summer time» avec moi, Chelsea aussi était étonnée de m’entendre chanter un monumental classique que seuls les majors osent reprendre. Mais ma rencontre avec Wade reste un des points forts de ma carrière.
Comment est-ce que vous analysez le paysage culturel Sénégalais ?
Je ne peux me permettre une prétentieuse analyse, car nous avons un ministre de la Culture et ses collaborateurs qui sont valables. Je préfère à la place faire une plaidoirie pour les artistes en général et pour les instrumentistes en particulier. La bonne majorité des musiciens souffre dans le plus grand silence pour préserver leur dignité. Ils ne peuvent pas faire face aux charges énormes du logement, du transport, des dépenses quotidiennes, de la scolarité des enfants, des charges médicales, etc. C’est difficile et c’est pourquoi ils sont obligés de se disperser et jouer dans dix orchestres différents. Cela tue notre musique. La précarité tue le talent. Il faut penser à une aide systématique annuelle comme l’aide à la presse.
Je profite de l’occasion pour présenter au peuple sénégalais mes vives condoléances suite à la disparition de mon frère, mon ami Ablaye Mbaye. Nous avons eu à travailler plusieurs fois ensemble à travers des programmes de sensibilisation communautaire. Le Sénégal a perdu une très grande voix.
seneweb