J’ai toujours caressé l’idée de me métamorphoser en fils de « Soxna », ne serait-ce que pour quelques heures afin de vivre les plaisirs que confère ce statut dans ce charmant pays qu’est le Sénégal. A défaut d’en être un, devenir au moins une star. Ce qui me permettrait de me défouler sur tout et n’importe qui.
Je ne comprends toujours pas ce soutien de quelques esprits au rappeur « Fou Malade » et la manière par laquelle il s’en est miraculeusement sorti après quelques jours de prison. Ç’aurait été le fils de « Diw » que je suis, inconnu des médias, on m’oublierait certainement en prison, et personne ne se plaindrait de mon funeste sort. Mais voilà, pour quelqu’un qui s’appelle Malal Talla mais dont le sobriquet est « Fou Malade », leader d’un mouvement qui fait feu et flamme, courtisé même par le tout-puissant Obama, la loi devrait s’appliquer autrement à ce gentil gosse qui a osé traiter les flics de la banlieue dakaroise de racketeurs devant le premier flic du pays.
Et même si ce musicien n’a pas prêché dans le vide, les faits qu’il dénonce étant le lot quotidien des citoyens, ce n’était ni le moment ni le lieu de dénoncer de telles pratiques. C’est vraiment faire preuve de témérité ou « jayy guerrier » que de faire de telles déclarations. A mon avis, ce rappeur méritait au moins trois mois de prison pour avoir manqué de respect à notre police nationale. Mais voilà, il s’appelle « Fou Malade » comme d’autres célébrités qui auraient dû terminer leur peine de prison mais à qui le pouvoir a trouvé des raccourcis pour qu’ils puissent humer l’air de la liberté. Un jeune voisin dort depuis bientôt trois ans en prison pour le même crime qu’un célèbre journaliste avait commis. Le gosse dans sa cellule de Rebeuss ne cesse de crier son innocence. Et Dieu sait qu’il est loin d’être un violeur. La fille s’étant donné gracieusement à son prince charmant était restée jusqu’à une heure tardive dans la chambre du pauvre garçon. De peur d’être corrigée par ses parents, elle lâcha le morceau : « j’ai été retenue par « diw » et violée ». La sentence pour ce pauvre garçon est lourde : 10 ans de prison ! Bien fait pour sa gueule, il aurait dû être célèbre ou de la lignée des fils de « Soxna » !
Nous sommes toujours au Sénégal. Un amoureux dépité brûle la case de sa dulcinée. Le glaive de la justice s’abat sur sa pauvre tronche de roturier : 15 ans de prison. A Touba, la fille dûment identifiée d’un distingué fils religieux mène son petit monde au domicile d’un député connu pour ses insultes Ce député ayant tenu des propos jugés offensants sur un honorable chef religieux, la soeur de ce dernier et ses hommes de main brûlent la maison du drôle de 3ème vice-président de notre auguste Assemblée nationale, une institution qui, soit dit en passant, s’est carrément clochardisée depuis quelques années au point que je ne rêve plus d’en être un membre. Les pyromanes ne laissent rien sur leur passage. Deux maisons en flammes en plus d’une boulangerie où des pères de famille gagnaient honnêtement leur vie. La République déroule le tapis rouge aux pyromanes qui s’en vont vaquer tranquillement à leurs activités quotidiennes. Rien de grave ne s’est passé à Touba. Juste quelques dizaines de petits millions envolés. Des peccadilles parties en fumée. Pas de quoi fouetter un chat. Au moins, ce n’est pas une case. Là, ç’aurait été pire. Voyons, brûler comme ça la case d’un pauvre paysan, ça ce paye chèrement. Quelle belle justice ! Et quand des magistrats se rebellent pour dénoncer certaines pratiques, c’est le ministre de l’Intérieur, celui qui aurait dû — comme son collègue de la Justice —, présenter sa démission qui bafouille une communiqué incompréhensible. Assurément, il leur manque des c… à ces deux messieurs qui auraient dû faire profil bas au lieu de venir insulter notre intelligence. Pauvres c…!
Pour toutes ces raisons, j’ai décidé de rester ce dimanche 29 juin en pantoufles chez moi, et déguster mon « dakhine » et mon thé. Bien sûr en souhaitant que le Ramadan débute ce lundi. Ce sera le meilleur jour !
En fait, ce ne sont pas ces pauvres maires adeptes de la violence aveugle qui changeront la morosité ambiante de la cité. Ils risquent plutôt de la rendre plus sinistre.
Alassane Seck Guèye
ARTICLE PARU DANS « LE TEMOIN » N°1170- HEBDOMADAIRE SENEGALAIS ( JUIN 2014 )