Marché de la percussion : Désespoirs et regrets des artisans du « Djembé »

par | 3 mars 2009 | Chroniques

Marché de la percussion : Désespoirs et regrets des artisans du « Djembé »
Instrument traditionnel africain de percussion, le djembé a aujourd’hui séduit et conquis l’occident où son commerce est très florissant. Mais, si son exportation constitue une aubaine pour les opérateurs économiques qui s’activent dans ce secteur, force est de constater que les fabricants, si l’on croit à leurs dires, tirent le diable par la queue pour s’en sortir. A cela, s’ajoute la rareté de l’exploitation de la matière dans la musique locale.
Le « djembé » est un instrument de percussion traditionnelle dont plusieurs pays africains se disputent la paternité. Il suscite aujourd’hui beaucoup d’appétits à cause des énormes sources de revenus qu’il ne cesse de gangrener depuis quelques années. En effet, d’après une source très avérée, des millions de « djembés » sont exportés d’Afrique sur des containers, pour être vendus en Europe, aux Etats-Unis et dans les pays asiatiques où la demande devient de plus en plus forte. Selon cette dernière, les pays d’Afrique de l’ouest tels le Mali, la Guinée, le Burkina, la Cote d’ivoire ainsi que Sénégal sont en tête du peloton des pays exportateurs de djembés. Seulement, si les opérateurs économiques qui s’activent dans ce secteur s’y frottent les mains, les fabricants par contre ainsi que les pratiquants ne sentent pas la bonne marche de cette industrie au niveau local et continuent toujours de vivre dans la misère. A Grand Yoff, où on a rencontré un interlocuteur, artisan du djembé, à pignon sur rue, à la patte d’oie chez Fa Cissokho, le constat est idem : les choses ne marchent pas. Notre artisan rencontré, un ressortissant guinéen, la quarantaine bien sonnée, gère un atelier de fabrique de « djembés » depuis  plusieurs années. A notre rencontre, il annonce d’emblée que les affaires tournent au ralenti : « les affaires ne marchent pas en ce moment. Actuellement, le marché est beaucoup plus ouvert aux étrangers. Ils font plus de commandes et à des prix satisfaisants », tonne t_ il avant de se souvenir de la seule période du mondial 98 c’est-à-dire lors de la coupe du monde organisée en France en 1998, période pendant laquelle il avait réalisé d’énormes bénéfices renseigne t- il.
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Photo Ahmed Tidiane Thiam
Désespoir des artisans
Malgré cette nouvelle donne qui fait que le prix du djembé ne cesse d’augmenter sur le marché international, notre source déclare qu’il ne cesse de baisser de façon vertigineuse au niveau national. Et la qualité en a pris un sacré coup. Cela serait dû, selon elle, au fait qu’aujourd’hui « de nombreuses gens sont entrés dans le métier à cause de cette forte demande. Ils ne respectent pas non plus les règles de l’art. Ce qui fait qu’on a une quantité de djembés qui est exportée et qui reste de très mauvaise qualité ». Ces propos seront corroborés par un autre artisan de djembé qui siège à Grand Yoff. Pour ce dernier, les opérateurs ont détruit le marché : « les toubabs  n’achètent presque plus de djembé ici car ils en trouvent beaucoup chez eux». A ces problèmes, s’ajoute la concurrence des autres pays comme le Mali, la Guinée, le Burkina et la Cote d’ivoire qui ont l’avantage de disposer du bois de très bonne qualité et à un coût moindre. Ce qui leur permet d’amortir le coût de la production contrairement aux artisans sénégalais. « Notre bois est d’une qualité inférieure à celle des autres pays. C’est un bois sec. C’est pourquoi nos djembé s’écoulent difficilement sur le marché international » déclare t’il. En outre, « le coût de la production est un peu trop élevé par rapport au prix de vente de l’instrument qui varie selon la taille d’un djembé  un djembé de bonne qualité peut coûter à l’artisan entre 10.000f et 14.500 Cfa » poursuit- il». L’écoulement étant souvent  leur principale difficulté, les poussent à évacuer leurs stocks n’importe comment pour pouvoir tout simplement arriver à leur fin et  survivre.
« En plus, il faut constater que la fabrication n’est pas chose facile. En effet, c’est un travail à la chaîne. Au Sénégal, la plupart des artisans du djembé ne sculptent pas les troncs de l’instrument. Ils les achètent chez les bûcherons qui, aussi à leur tour, commencent à sculpter la matière en se prenant ainsi pour de vrais concurrents dans le secteur.
Néanmoins, les artisans essaient toujours par rapport à leurs produits, de se différencier les uns des autres à travers certains trucs et astuces pour donner beaucoup plus de charme et d’originalité à l’objet. Voilà  pourquoi le design du djembé ne cesse d’évoluer et prendre diverses formes. Du Chumba au Dun Dun en passant par le Tamani, chacun y va de sa spécialité » conclut notre source.
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Photo : Ahmed Tidiane THIAM
Le djembé, un instrument rarement exploité dans la musique locale
Malgré les nombreux efforts consentis quotidiennement, le djembé n’est pas exploité à fond dans certains aspects de la musique sénégalaise. D’une originalité pure, le djembé qui est conçu à base de bois et de peau de bête (chèvre), offre un son et un rythme séduisants. De l’avis d’un spécialiste de la musique « En parfaite adéquation avec nos réalités, d’aucuns des artisans de la musique sénégalaise pourraient travailler  ce matériel à savoir le djembé ainsi que la kora ou le khalam (sorte de guitare fabriquée de manière traditionnelle) pour apporter beaucoup plus d’originalité au fond et à la forme de nos productions ».

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