Mansour Seck – Baaba Maal : Cœurs en chœur

par | 18 mai 2014 | Webnews

Mansour Seck n’est hélas plus tout jeune. Quand il se déplace, on doit lui tenir la main. Ce fils du Fouta, qui a foulé les sentiers du monde entier, reste maintenant avec ses proches et sa famille, qui l’entourent du mieux qu’ils peuvent. Auréolé de mystère et de légende, l’un des griots les plus connus au monde a parlé au journal Le Quotidien, avec une certaine nostalgie, de ses débuts et, bien sûr, de son amitié déjà bien ancienne avec Baaba Maal. Malgré son âge avancé, quiconque le croit affaibli et vieilli se trompe : il se souvient de tout et peut le raconter en français, en wolof et en peul. Peu de gens peuvent en dire ou en faire autant.

Il n’a pas les larmes aux yeux, mais presque. Quand on demande à Mansour Seck de se souvenir des méandres de son passé, sa voix semble chargée d’émotion. C’est au sein de «Lasli du Fouta», une troupe de théâtre folklorique, qu’il a fait ses premiers pas. «C’était une très grande troupe, d’une renommée nationale. Presque tous les artistes Hal Pulaar passaient par cette troupe-là», explique-t-il. Trois ans plus tard, c’est «Niélitaaré Fouta» qui a vu le jour et qui, à l’occasion, leur permettait de sortir et d’aller jouer dans la région ou de rester au Fouta. Et c’est à partir de là que la machine s’est emballée et que les deux compagnons, Baaba et Mansour ont commencé à s’intéresser à la musique. «On a trouvé que ça serait bien de voyager, d’aller en France ou ailleurs, pour percer dans la musique.» Une fois son baccalauréat en poche, Baaba Maal obtient une bourse pour poursuivre ses études en France. Pendant deux mois, il a écumé les bars et les foyers pour, grâce à sa musique, pouvoir payer un billet à Mansour qu’il a fait venir le rejoindre. Ce billet fut la porte d’entrée pour 4 années de créations et de découvertes en France.

«On avait une autre ambition, on voulait faire de la musique»

Heureusement, les deux artistes pouvaient compter sur leur famille, pour entamer une tournée de concerts dans le monde entier. «Nos parents émigrés nous invitaient tout le temps ou organisaient des concerts.» La France, l’Italie, l’Allemagne, l’Angleterre … l’Europe et les pays anglo-saxons n’avaient plus de secrets pour les deux vadrouilleurs.

1984, année à marquer d’une pierre blanche. Baba Maal et Mansour Seck rentrent à Dakar. Forts d’une expérience internationale, plus rien ne leur fait peur et ils se lancent avec le «Dandé Léñiol» (la voix du peuple, en français), un orchestre initialement formé par les deux compères et feu Mbassou Niang, en tant que manager. «Nous avions beaucoup appris, nous avions compris comment monter un orchestre.» C’est alors que sort, en France, Jam leelii, leur toute première cassette pré-enregistrée. L’album a un tel succès que deux maisons de disque anglaises s’en disputent l’exclusivité. «Quelqu’un d’Island records est venu pour nous dire que notre cassette l’intéressait vraiment, qu’il voulait l’acheter et signer un contrat avec nous, parce que notre musique, c’est ce qu’il leur manquait, ce qu’ils cherchaient.» Et la machine était repartie. La maison de disque anglaise a organisé des concerts dans son pays, puis des tournées dans toute l’Europe et même aux Etats-Unis.

«On a tout partagé, on a voyagé ensemble à travers le monde»

Bien évidemment, on ne peut pas parler de Mansour Seck sans s’attarder sur son amitié avec Baaba Maal. «Notre compagnonnage a été quelque chose de fidèle entre lui et moi», se remémore-t-il, avec un petit tressaillement dans la voix. «Notre relation, c’est depuis nos arrière-grands-parents». Cette amitié, c’est l’histoire de l’union entre un griot et un thioubalo. C’est aussi une histoire de famille, puisque leurs arrière-grands-parents, leurs grands-parents et leurs parents se fréquentaient déjà. Mais c’est également une histoire de destin, car «Dieu a fait que chacun de nous a choisi d’être musicien, donc on se complétait». Même à 13 ans, les gens les imaginaient toujours ensemble : «Quand on était plus jeunes et qu’on jouait au théâtre, les gens disaient ‘’il faut que Mansour soit là, il faut que Baaba Maal soit là, pour que le spectacle soit réussi’’. Ça a commencé par-là.» Main dans la main, comme cul et chemise, les deux artistes ont sillonné les scènes du monde entier. «Je lui ai appris à jouer de la guitare et je chantais comme il le faisait.» Complémentaires dans leur relation professionnelle comme personnelle, ils faisaient tout main dans la main. Ou plutôt, l’un derrière l’autre. En effet, si Baaba Maal occupait le devant de la scène, Mansour Seck savait se faire plus discret … mais pas moins indispensable.

L’autre ingrédient essentiel de cette amitié, c’est cette entente si particulière qu’ils ont l’un pour l’autre. «Il n’y a jamais eu de problèmes entre nous : quand il parle, je comprends toujours où il veut en venir (…) Dans la musique des fois, chacun veut chercher son succès à part, chercher sa renommée de son côté … mais, nous, Hal Pulaars, quand on tient l’amitié, on la tient jusqu’à la mort.» C’est ça le secret d’une entente parfaite : l’amitié d’abord et le reste après.

«Notre musique est une musique de succès, parce qu’on a beaucoup travaillé»

Quand on lui parle de relève, Mansour Seck est hésitant. «C’est mon souhait le plus absolu, que de jeunes musiciens aient une aussi grande carrière», mais aucun nom ne lui vient à l’esprit. Il parle de son cousin, jeune talent, qu’il voit comme quelqu’un qui deviendra grand dans le domaine de la musique. A défaut de jeunes, on le questionne sur les anciens, les musiciens qui ont pu l’inspirer. Et là, il est plus bavard. Il parle des grands musiciens Hal Pulaars, de Samba Diop Lélé, «le Fouta est plein de talents». Il ne tarit pas d’éloges non plus sur le Yéla, cette danse des griots, qui l’a aussi beaucoup inspiré. Il reconnaît que ce n’est pas une vie facile, que celle d’être musicien (à succès, qui plus est !), qu’il n’est pas facile de trouver des personnes fiables avec lesquelles s’entourer … «Ce que je leur conseille, c’est de partager, de s’accepter, puis d’avoir la foi, la volonté et la sincérité.» Pour l’artiste, en musique, il faut montrer le bon exemple, montrer le chemin à suivre à ceux qui écoutent, «que ça puisse leur servir aussi demain».

Mansour Seck, c’est quelqu’un de discret, qui va droit au but et qui ne se perd pas dans les fioritures. C’est donc tout simplement qu’il a défini son œuvre, sa musique : «C’est une musique forte, une musique vraiment très sensible quand on la comprend.»

Alice PATALACCI le quotidien

Source : seneweb.com

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