Son succès se résume à quelques tubes et malheureusement, n’a duré que le temps d’une mélodie. Malgré d’autres albums, il peine à affoler les stats. Tandis que le marché de la musique fait germer une nouvelle vague de chanteurs, Yves Niang fond dans le décor dans l’envers duquel on l’a retrouvé lassé de glaner des déconvenues. Aussi a-t-il décidé de changer de disque. Du Mbalakh il est passé à la variété musicale. L’artiste de Pikine, se livre sur sa reconversion…
Ives Niang a complètement disparu de la scène. Que devient-il ?
Je suis là, je m’accroche du mieux que je peux. Cela fait près de 8 mois que je suis en studio, enregistrant un nouvel album. Cette fois, j’ai changé de registre, j’ai laissé le Mbalakh de côté pour toucher à la Variété. Dans cet opus, il y aura des sonorités Afro-mandingues, des rythmes Funky, du slow et de l’acoustique. Les Sénégalais vont me découvrir sous une nouvelle facette. Pour le moment, j’ai enregistré 4 chansons et il m’en reste 2 autres à peaufiner. Sans doute, il sera disponible en 2020. En même temps, je fais du commerce. J’ai récemment ouvert une boutique de prêt-à-porter. Cette activité prend aussi de mon temps.
Qu’est-ce qui vous a poussé à changer de registre ?
La musique sénégalaise, aujourd’hui a changé de visage. Une nouvelle vague d’artistes est arrivée et a repris le flambeau. Ils nous ont emboité le pas et marchent maintenant sur nos plates-bandes. Tout le monde fait la même chose, les mêmes rythmes, la même cadence et une sorte de routine s’est installée. A la longue, ça devient monotone et c’est sans queue ni tête. Pour ne rien arranger, les labels de production, il n’y en a plus. De ce fait, les artistes n’ont plus la chance de participer aux grands festivals comme avant. Cela m’a poussé à réfléchir sur quelle méthode appliquer pour pouvoir exporter ma musique hors de nos frontières. J’ai compris que je ne pouvais pas continuer à partager la scène avec mes collègues, à toujours faire la même chose qu’eux, être sous la même cadence, sans évolution. J’ai décidé de changer ma musique, d’y injecter du sang neuf. Histoire de me démarquer des autres. Je vous avouerai que ma passion pour le Mbalakh a beaucoup baissé. Je ne dis pas que je vais laisser tomber ce style musical qui m’a tout donné, mais je vais tout de même revoir ma copie. J’ai beaucoup voyagé et j’ai vu ce qui se passe dans les autres pays. Notre Mbalakh national ne peut pas arriver au niveau des grandes scènes étrangères. J’adore la musique, elle m’a tout donné, mais il faut reconnaître qu’en l’état actuel des choses, elle ne me fait plus avancer. Il suffit de regarder Trace Africa pour se rendre compte que notre musique traditionnelle, n’est pas consommée. Rares sont les clips sénégalais qui y passent. A part au Mali, en Gambie, on ne peut pas aller bien loin.
Pensez-vous pouvoir tirer votre épingle du jeu, en adoptant un style autre que le Mbalakh ?
Je pense n’avoir plus rien à prouver sur le plan local. Les enjeux sont ailleurs, je veux m’ouvrir aux scènes internationales.
«Plutôt que de concurrencer les plus jeunes, je préfère me retirer»
Ne peut-on pas dire que vous avez plutôt du mal à soutenir la concurrence ?
Honnêtement, cela ne m’avance plus à rien de faire du Mbalakh. Plutôt que d’être là, à concurrencer mes petits-frères, je préfère me retirer, leur laisser la place. Sinon, on risque de créer des tensions et des animosités inutilement. Cela ne sert à rien non plus de prendre son argent, l’investir dans des soirées ou des albums qui ne seront pas rentables. Il y aussi les guéguerres qui minent le monde du show-biz et parfois, ce sont les plus proches de nous, qui nous font la guerre. Quid de la piraterie qui nous donne du fil à retorde depuis bien des années ? Le plus cocasse dans l’histoire, c’est que c’est nous qui en sommes coupables. Après avoir pris le soin d’enregistrer des sons à coups de millions, nous sommes les premiers à les envoyer à nos contacts, via les réseaux sociaux. Donc, à mon avis, ce n’est pas la peine de forcer ou d’essayer de concurrencer la nouvelle génération. Je m’isole…
Vous êtes artiste, censé vivre de votre musique. La logique aurait voulu que vous vous imposiez au lieu de céder le terrain à la nouvelle génération…
Qui peut leur tenir tête ?
Ils sont jeunes, ont du talent à revendre et sont adulés par le public. C’est eux qui parviennent à remplir les boites de nuit. Les Wally Seck, Sidy Diop et compagnie sont dans l’air du temps, il faut le reconnaître, l’accepter et passer à autre chose. Le mieux que je puisse faire, c’est les accompagner et leur prodiguer des conseils. C’est la même posture que ceux de ma génération devraient aussi avoir. Se rendre à l’évidence, les jeunes nous ont damé le pion.
N’empêche, les Youssou Ndour, Pape Diouf et autres maintiennent toujours le flambeau.
N’êtes-vous donc pas d’accord que l’art est immense et que tout le monde peut y trouver son compte. Il suffit juste d’entretenir son public ?
La donne a beaucoup changé… Youssou Ndour, c’est un autre niveau, il dépasse tout le monde, il est international. Pour certains qui ont fait les beaux jours de la musique sénégalaise, ce n’est plus tellement ça. Leur aura a considérablement diminué. A l’image de Baba Maal, Ismaëla Lô, Oumar Pène, on gagnerait plus à nous ouvrir sur le plan international…
Les jeunes artistes vous ont envoyés à la retraite anticipée ?
Oui, je l’admets mais, je ne suis pas seul dans ce cas… La génération des Wally nous a envoyés à la retraite anticipée…
«Je ne vais pas abandonner la musique, je change de style pour m’ouvrir aux scènes internationales»
A ce rythme, ne risquez-vous pas de décrocher définitivement de la musique ?
Non pas le moins du monde. Je vous assure que mon prochain album fera grand bruit. Je ne suis pas près de raccrocher, j’ai juste changé de style. Des partenaires sont prêts à m’accompagner sur ce coup. Je ferai des tournées à l’extérieur et ferai parler de moi.
Plus haut, vous disiez avoir ouvert une boutique d’habillement. Pourquoi le business du commerce ?
La mode est étroitement liée à la musique. Quant à moi, j’ai d’ailleurs commencé par le commerce. En plus, j’adore m’habiller, on m’a très souvent cité parmi les artistes les plus tendance. Tout ceci m’a poussé à ouvrir une boutique de prêt-à-porter, pour partager mon savoir-faire dans ce domaine. Je vends des habits et accessoires en tout genre. Youssou Ndour qui est notre référence, ne s’est pas limité exclusivement à la musique. Il a entrepris et a mis sur pied une grande entreprise de presse. J’essaie de faire de même.
A quand remonte votre dernier album ?
Ça doit faire au minimum 4 ans que je n’ai plus sorti d’album sur le marché. Je suis issu d’une famille de chanteurs. J’ai commencé à chanter en 1990 dans les cérémonies de quartier, avant de me faire repérer par Youssou Ndour, pour qui j’ai assuré les chœurs dans sa chanson mythique, Birima. Ensuite, j’ai participé à l’album de Pape Ndiaye Guéweul. Par la suite, j’ai sorti mon premier album «Mbakh», avec les titres «Yaye diou bakh», «Fama». D’autres ont suivi. Mon dernier opus s’appelait «Ndioukeul» et était composé de 22 titres…
On dirait qu’il n’a pas marché ?
Comment voulez-vous que ça marche ? Ceux qui sont censés nous appuyer dans la promotion, sont aux abonnés absents. Parfois même, il faut donner des sous à certains animateurs pour qu’ils passent vos chansons à la radio. Il faut des moyens pour une bonne campagne publicitaire à la télé et également des affiches. C’est extrêmement difficile de survivre au Sénégal en étant artiste…
Vous semblez donner raison à ceux qui vous disent dans la galère ?
Ce ne sont ni plus ni moins que des balivernes. Je rends grâce à Dieu, je parviens à joindre les deux bouts. Je mange, je dors, je m’habille et je vaque à mes occupations comme tout le monde. Je le jure sur le Prophète (PSL), je ne manque de rien. J’ai trouvé ma voie et je vais persévérer dans cette lancée.
Qu’est-ce que la musique vous a apporté concrètement à part un nom ?
C’est déjà quelque chose d’être reconnu. Ce n’est pas donné à tout le monde. J’y ai aussi gagné des relations. Et quoi qu’on puisse dire, c’est grâce à la musique que j’ai pu me réaliser et arriver au stade où je suis. Elle m’a permis d’entretenir ma famille jusqu’ici. Avec mon épouse, je boucle 22 ans de mariage, avec une petite famille. Pratiquement, mes enfants sont tous nés en Europe. C’est vous dire que je ne me plains pas du tout.
Le succès d’avant ne vous manque pas ?
Non pas vraiment. Je me plais bien dans ma situation…