Dakar musique : Que signifie Gelongal ?
Gelongal c’est le nom Peul de l’oiseau que l’on appelle la grue couronnée ou « Ndiam Diop » en wolof. D’après la coutume, c’est un oiseau visionnaire qui vit dans les hauts lieux, les oasis et qui a une belle voie et qui à chaque qu’il chante, c’est pour annoncer un événement. Alors, on a choisi le nom par rapport à une histoire que les vieux racontent chez nous.
Dakar musique : Le choix du nom est- il lié aussi à celui de votre marabout ?
Oui, on devrait en cela respecter Gelongal parce qu’on dit souvent que « Diobeu Dioubeu » c’est le « Dioub » du nom Diop. En fait, ce n’est pas un marabout à proprement dit, et bob plus dans le sens que les gens le pensent. Je dirais plutôt que c’est un guide spirituel et comme vous le savez, chaque personne à besoin à un certain moment de sa vie de se remettre en question par rapport à des choses strictement sensibles ou intérieures. En cela, je pense que tout ce que l’homme fait c’est dans le sens de se bâtir un nom, une carrière. Ce sont vraiment des affinités qui, en un moment donné, ne te procurent pas sans doute tout le bonheur que tu souhaites et là, on a besoin de revoir où sont les choses spirituellement parlant. C’est dans ce sens qu’on a approché Baye Cheikh Mamour Insa DIOP qui est un guide spirituel et qui est lui-même Moukhadam de Mawlana Cheikh Ibrahima Niass dit Baye NIASS.
Dakar Musique : C’est quoi en fait Gelongal ?
A l’origine, Gelongal c’est un groupe de musique d’abord qui est passé par la danse dans les années 1992 jusqu’aux années 1996. Donc à partir de 1996, on a tourné la page de la danse pour faire de la musique. Mais aujourd’hui, il se trouve qu’on est dans d’autres services c’est-à-dire dans le travail de l’image en général avec la vidéo, l’infographie et tout ce qui est création d’image mais à la base Gelongal est un groupe que composent trois(3) frères, Moussa, Papis et Samba qui sont tous originaires de la région de Kolda.
D’abord, je peux dire que Gelongal a beaucoup de chance dans la mesure où chacun de nous a ses fonctions qui lui sont particulières. Et toutes ces fonctions se sont finalement retrouvées dans le groupe. Par exemple moi, Samba, je suis infographiste en art visuel. Parfois on nous présente un produit et nous en prenons quelques séances de photos et puis on essaye de voir quelle présentation on donne à ce produit pour mieux le vendre. De ce fait, beaucoup d’artistes nous ont confié leurs images en commençant par Youssou Ndour, la structure d’Art gérée par Bouba, Ngoné et Ibou Ndour qui nous confient tout ce qui est visuel et qui sort de leur studio que ce soit les artistes qu’ils produisent, les plaquettes ou les manifestations qu’ils font. Ce qui fait aujourd’hui que je peux dire qu’on totalise plus de 300 à 400 créations d’art. Nous faisons aussi de l’impression sur sachet. Plein de sachets de biscuits sont faits par Gelongal comme par exemple les sachets d’eau, de biscuits Baba entre autres.
Papis, lui est spécialiste en mécanique général qui consiste à faire tout ce qui est outillage comme par exemple les interventions sur les navires, les avions et aussi les pièces plus ou moins complexes des usines. Outre les actions faites sur le terrain, Papis nous fabrique tout ce qui est travelling, rotation et parfois on a besoin de prendre des images sous différents angles et on ne peut toujours pas le faire à main levée avec une caméra et donc à ce niveau, on fait appel aux compétences de Papis.
Moussa est artiste- peintre et aujourd’hui, il expose beaucoup plus en France dans le domaine de l’Art plastique et il a appris à Paris le montage.
Vous savez que 90 % des rappeurs ont commencé par la danse à l’époque et nous avons dansé comme tout le monde et cela a duré 4 ans. C’est justement en 1997 qu’on a décidé de se lancer dans la musique proprement dite en sortant notre premier album intitulé « Ngiyène Kolda » et un deuxième album plu tard du nom de « Casa Rap » en 2001.
Dakar Musique : Quel genre de musique pratiquez- vous ?
C’est du Rap à la base mais ce n’est pas du Rap comme le font certains dans la mesure où nous, nous n’avons pas cherché à copier aux Américains ce qu’ils font même si tout le monde dit que le Rap vécu aux USA est africain. C’est vrai, puisqu’il est pratiqué par des enfants d’esclaves. Et nous, on s’est dit que nous allons faire le Rap à notre façon parce que Gelongal n’est pas comme les autres groupes de Rap de Dakar qui peuvent représenter les Sicap ou les Liberté. Mais chez nous, on représente toute une région à savoir la Casamance naturelle, Kolda, Sédhiou, Vélingara et la musique Rap était méconnue par les vieux à l’époque. Et si tu veux faire une musique qui va intéresser ta population tu es obligé de composer une musique dans laquelle il se retrouve. A cela donc tu ne peux te permettre de faire de la musique Américaine, c’est pourquoi la musique de Gelongal reste très africaine, on utilise nos instruments et on chante des chansons traditionnelles.
Dakar Musique : Etes- vous donc des traditionnalistes qui refusent l’ouverture ?
Il faut que l’on se comprenne. Le problème n’est pas qu’on est fermés sur nous- même parce que quand vous écoutez notre vous sentez sans nul doute qu’il va te renvoyer en Afrique et pourtant les instruments que nous utilisons ne sont pas fabriqués en Afrique à l’exception de la flute, du xalam et des Tam Tam. Ce que je veux dire, c’est qu’on ne s’enferme pas mais on s’identifie.
Je pense que la particularité de la musique de Gelongal c’est le fait que quand tu l’écoutes, tu sens que c’est purement africain. On chante en wolof.
Dakar Musique : Quels thèmes abordez- vous dans vos chansons ?
On aborde des thèmes qui donnent la confiance et qui permettent aux Africains de faire face a la mondialisation mais il y a certains aspects des traditions qui restent et demeurent. Et à notre niveau nous essayons de renforcer cela pour ne pas se laisser emporter par la mondialisation. Nos thèmes sont aussi des thèmes de fraternité et de paix et on chante aussi la femme pour le recadrer dans son contexte d’éducatrice et du comment gérer son foyer.
Dakar Musique : Quelle lecture faites- vous du Rap d’aujourd’hui ?
Je pense que c’est bien mais maintenant certains vont dire qu’il manque de structuration et d’identité parce que tu verras des groupes de Rap qui ne font que copier sur les Rappeurs américains et cela ne va plus refléter nos réalités mais plutôt celles des USA. Et je pense qu’on devrait revoir notre identité.
Dakar Musique : Le Rap qui rime avec la spiritualité, est- il un phénomène nouveau ?
La spiritualité est quelque chose d’inhérente à l’homme c’est-à-dire que le phénomène c’est le Rap à lui-même mais pas le fait que les rappeurs chantent la spiritualité. Lhomme est d’essence spirituel. Cela veut dire que la spiritualité se retrouve dans tout ce que l’Homme fait. Par exemple l’artiste peintre qui peint son tableau peut donner 3 traits. Donc cela n’est pas un phénomène pour moi et pourtant tout le monde en parle comme si c’est un phénomène alors que le vrai phénomène c’est le Rap mais non la spiritualité.
La spiritualité se retrouvera dans tout ce que l’Homme fera mais maintenant dans le contexte où nous sommes avec la crise que nous vivons, le fait de chanter la spiritualité est bien. Aujourd’hui un agresseur qui agresse exprime son manque de spiritualité. Donc aujourd’hui on a des jeunes qui au lieu d’aller vendre de la drogue rappelle les gens par des références religieux de ce pays la spiritualité, c’est quelque chose qu’il faut encourager et je pense que c’est la seule voix de recours face à cette crise. Je connais beaucoup de jeunes qui ont arrêté de vagabonder tout simplement parce qu’ils ont rejoins des groupes religieux.
On est à 170 clips et je pense que c’est à saluer parce que même aux USA, on trouvera rarement un producteur de clips qui arriverait à ce chiffre et pour cela je pense qu’il faut féliciter le Sénégal. Aujourd’hui si j’ai eu peur de Hollywood, c’est parce qu’ils bénéficient beaucoup plus des nouvelles technologies mais non pas autre chose.
Dakar Musique : On sent du professionnalisme dans votre travail, qu’en est- il de cela ?
Ce professionnalisme est dû à beaucoup de choses. D’habitude les gens qui pratiquent de la vidéo et qui restent dans ce pays sont soit entrés dans ce métier accidentellement soit ne savent- ils pas comment travailler de manière linéaire la vidéo. Le travail de la vidéo a des suites, c’est pourquoi nous travaillons en groupe, ce qui fait qu’on réfléchisse ensemble sur un scénario, pense ensemble sur ce qu’il faut établir comme matériel, sur le lieu réservé au tournage et sur celui qui doit filmer et même sur la couleur qu’on doit donner à la vidéo. L’autre aspect, c’est le fait qu’il faut connaitre les logiciels et connaitre même l’outil que l’on utilise. Une personne comme Moussa a fait 4 mois de formation pour pouvoir seulement tenir une caméra. Voilà qui fait la différence entre le professionnalisme et l’amateurisme.
Mais le plus grand problème reste le fait que beaucoup de gens se réclament de professionnels dés leurs prémices. Par contre moi qui vous parle, j’ai fait 20 ans de formation en image et cela veux dire que je n’ai plus rien à apprendre et le seul domaine que l’Homme n’a pas encore conquiert, c’est l’image.et pourtant les mêmes pratiquants des USA ne se réclament jamais de professionnels. Ils ont coutume de dire toujours qu’ils sont à la recherche de la nouveauté. Nous par exemple, on n’a même pas les matériels qu’ils ont et on se réclame de professionnels. Donc Gelongal se définit comme des créateurs d’image et non des professionnels.
Dakar Musique : Vos impressions par rapport à Dakar Musique ?
Je trouve que votre conception est bonne et c’est comme ça qu’on fait bouger les choses. Donc je vous encourage pour cette belle initiative et sachez que Gelongal est à vos services et au cas où besoin se fera sentir n’hésitez pas à nous contacter. Ce serait une fierté pour nous de vous répondre.