Didier Awadi et Amadou Barry alias Duggy Tee du Positive Black Soul : «La première fois qu’on est rentré dans un vol d’Air France en jean déchiré…»

par | 22 décembre 2014 | Webnews

L’OBS -People «Il nous arrivait d’échanger des coups de poing quand on se prenait la tête»

Faire de l’inédit avec le Positive Black Soul (Pbs) relève presque du miracle. Tellement tout a été dit et redit sur ce mythique groupe de rap des années 89. Après avoir sevré les mélomanes de vibes engagés, le crew du Capsi (comprenez Sicap en verlan) a scellé ses retrouvailles en août 2009, sans que cela ne soit suivi de l’album tant attendu pour leur millier de fans. Aujourd’hui, c’est chose faite ! Pbs 25 du nom de leur album de 6 titres mis sur les bacs ce 10 décembre sera présenté au public lors d’un grand concert ce 27 décembre au Monument de la Renaissance africaine. En attendant cette date historique pour les suiveurs des «mammouths» du hip-hop made in Galsen, Didier Awadi et Amadou Barry alias Duggy Tee se sont posés le temps d’une demi-heure dans un club de la place pour revenir sur les moments forts du Pbs. Prises de tête, insolites, doutes, regrets. Tout y passe. Des fous rires à la rupture/ réconciliation. Eh oui, c’est cela le Pbs !

FOUS RIRES

Awadi : «C’est difficile d’isoler un fait parce qu’on ne s’est jamais pris au sérieux»

Duggy Tee : «Pas plus tard qu’avant-hier, on en a vécu un. On avait rendez-vous avec un ami qui nous a raconté une anecdote et c’était parti pour une franche tranche de rigolade. Mais on ne peut pas révéler ici ce qui nous a fait marrer car c’est confidentiel (regard complice à l’endroit d’Awadi). Des moments de fous rires, on en a plein. Parfois, il suffit d’un rien pour nous faire éclater de rire. Quelqu’un peut dire un mot à l’envers ou se tromper dans son texte et hop, c’est parti. Par exemple, il nous arrive, après de longues heures d’enregistrement de décompresser en nous racontant des blagues. Même sur scène, cela nous arrive. Quand on est lessivé, on se regarde en toute complicité avec Awadi avec des airs de chiens battus sans que le public ne s’en rende compte. On se regarde, on veut s’esclaffer de rire mais on se retient pour ne pas gâcher le show. Moi, je ris tout le temps. De tout et de rien. Pour moi, le rire ça soigne.»

Awadi : «Un moment de fou rire (il se répète, fouillant dans sa mémoire) ? On en a à la pelle, mais il est très difficile de s’en remémorer un avec précision. Parce qu’on passe notre temps à rire, à nous amuser. Au Pbs, on rit de tout et de rien. C’est difficile d’isoler un fait parce qu’on ne s’est jamais pris au sérieux. Lors des interviews, on fait les malins, mais à part cela, on passe notre temps à rigoler et à faire les cons (sic). Quand on est en studio, on se livre à un championnat de lëbb (contes) et dans ce domaine, Duggy est un des plus grands menteurs du Sénégal (rires).»

STRESS

Awadi : «Quand je suis stressé, j’émets un rire nerveux que seul Duggy sait interpréter»

«(Il plonge dans une profonde réflexion et lâche). Là, en ce moment, on est continuellement sous tension avec le show que l’on prépare. On veut que tout soit parfait et plus les jours avancent, plus la tension augmente. On veut tout régler au mm près et c’est peut-être pour cela que je ne parviens pas à me souvenir d’un moment de fou rire. On aime innover et faire les choses en grand. C’est pourquoi, la pression est à son comble.» Des moments de stress, on en a toujours. Par exemple, la fois où l’on réalisait notre première maquette, on bossait avec un musicien qui s’appelait Jazzy, je n’ai jamais pu… (Il ne termine pas). J’ai un rire nerveux et seuls ceux qui me connaissent très bien savent interpréter ce rire. Quand je suis très énervé, je rigole. Mon vis-à-vis peut penser que je rigole alors que j’ai envie d’exploser. Duggy connaît ce rire-là et il sait que quand ce rire arrive, c’est un mauvais rire. Souvent, il m’interpelle en me disant : «Mon vieux, tu bous ! Tu es en colère là.» Je lui rétorque souvent : «Non, je ne suis pas énervé mais ce gars est un c…» (Fou rire). Pour déstresser, on écoute Sanokho (artiste sénégalais décédé), Dieudonné ou on regarde un film comique.»

DOUTES

Duggy Tee : «Tout lâcher ? Jamais !»

«Il ne nous est jamais arrivé d’avoir l’envie de tout abandonner. Ce serait la mort. On a eu parfois envie d’arrêter un projet quand on sentait qu’on n’était pas totalement prêts. Parce que nous détestons laisser les choses sur un goût d’inachevé. Dans ces cas, on marque une pause, on prend le temps de se remettre en forme et puis après, on y retourne ensemble. Honnêtement, se dire qu’on va tout lâcher, cela ne nous est jamais arrivé.»

Awadi : «On ne force jamais les choses. Les gens nous interpellaient souvent pour savoir pourquoi on ne faisait pas un album ensemble, mais nous, on ne se met pas la pression et personne ne peut nous dicter notre conduite. On ne trouve jamais l’intérêt si ce n’est pas l’envie d’abord. Même au plus fort de notre «séparation», il ne nous est jamais arrivé de douter ou d’être habité par l’envie de baisser les bras. Nous sommes des «Boys Sicap». Tous les deux, nous avons perdu nos pères assez tôt. Nos mamans se sont battues pour qu’on ne ressente pas notre orphelinat et donc l’échec ne fait pas partie des options envisageables. On a reçu tellement de critiques quand on a choisi de faire carrière dans la musique et plus particulièrement dans le rap que ce serait trop facile de leur donner raison. Et donc, cette option n’était pas envisageable. Tout lâcher, non ! Peut-être changer de projet le temps d’y voir clair.»

INSOLITES

Awadi : «La première fois qu’on est rentré dans un vol d’Air France en jean déchiré…»

«La première fois qu’on est rentré dans un vol d’Air France en Première classe en jean déchiré aux côtés de ministres et de diplomates, sans aucun complexe… C’était carrément insolite Une fois aussi on est rentré dans un grand hôtel de Londres où les seuls noirs étaient un groupe de funk, c’était impressionnant mais nous, on a eu aucun complexe. Par la suite, on nous a emmenés manger des sushis (poissons crus) dans un restaurant chinois et j’ai trouvé cela dégueulasse mais aujourd’hui, j’adore. Son compère DuggyTee en rajoute une couche : «Moi, j’ai jamais aimé les sushis. Quand je mange, c’est toujours cuit à point (rires).»

FIERTES

Duggy Tee : «Une fois, Phil Collins nous a retrouvés dans les coulisses pour nous féliciter»

«Il nous arrivait de partager des scènes musicales avec de grands artistes qui faisaient le buzz dans le monde et ensuite qu’on vous dise que votre show était meilleur que les leurs, ça c’est une grosse fierté. Un moment fort que je n’oublierai jamais c’est quand, après un show, Phil Collins nous a trouvés dans les coulisses pour nous féliciter. C’était une fierté. Quand on rencontre un gars comme Alpha Blondy ou un Youssou Ndour qui nous dit qu’il fait partie de nos admirateurs ou qu’il adore ce que nous faisons, c’est encourageant et cela nous donne envie de nous surpasser et de persévérer dans l’effort. C’était une grosse fierté aussi de présenter à nos mamans, en 1994 un gros contrat pour notre premier album avec une grosse multinationale Ireland records Polygram (maison de disque de Bob Marley). C’est Baba Maal qui nous a dit que cette maison souhaitait nous rencontrer et on a réussi à décrocher un gros contrat avec elle alors que tout le monde nous rejetait. C’était tout simplement géant. De petits rappeurs partis de rien qui en arrivent à ce sommet. C’est comme toucher les étoiles. Ce n’était pas seulement une question d’argent, mais cela symbolisait une réussite car on leur a montré qu’on est allé au bout de nos rêves.»

REGRETS

Awadi : «On ne s’arrête pas sur les déceptions et les regrets»

«On a eu beaucoup de déceptions et de regrets mais, en règle générale, on ne s’arrête pas là-dessus et on n’aime pas les mettre sur la table car cela relève du domaine de l’intime. Quand il y a eu cette «séparation» entre Duggy et moi, tout le monde a voulu savoir le pourquoi et jusqu’à présent, personne ne le saura jamais. C’est notre cuisine interne et en toute chose, il est bon d’avoir un jardin secret. Nous n’avons pas cette culture de vouloir chercher à faire le buzz tout le temps. Nous sommes anti-buzz à la limite car cela n’apporte rien. Pour nous, c’est notre travail qui doit parler, pas nos frasques.»

PRISES DE TETE

Awadi : «Il y a eu des coups de poing»

«Duggy, c’est du génie, de l’humilité, de la voix et de l’altruisme. Il peut donner tout ce qu’il a et se retrouver sans rien. Quand il a connu sa traversée du désert, ce sont tous ses gestes qui l’ont préservé. Mais, il est un peu lay-back. Il se comporte parfois comme un seigneur peulh qui aime bien prendre ses aises et du bon temps. Je suis le turbulent du groupe et lui, il est le gros timide. Je suis feu et lui est eau. Quand je m’enflamme, il arrive à me calmer, me raisonner et je peux dire qu’il n’y en a pas beaucoup qui peuvent réussir cela. Parfois, j’ai envie de tout faire péter. Je pense qu’on a besoin de cette complémentarité. J’ai besoin de ce calme et lui a besoin de ce feu. Comme tout couple, on a vécu des moments de prises de tête. On en a eu de très sérieuses. Il y a eu des coups de poing, mais c’est normal et c’était vraiment épisodique. Quand cela arrivait, on réglait nos comptes sur le champ et on passait à autre chose. Parce que dès le début, nous avons opté pour la transparence et si quelqu’un vient me dire du mal de Duggy, il peut être sûr qu’il le saura aussitôt et vice-versa. Et c’est durant notre séparation qu’on a découvert la véritable personnalité des gens.»

DuggyTee : «On réglait nos comptes et on passait à autre chose»

«Didier est plus direct et plus business que moi. Moi, je suis resté beaucoup plus artiste. Didier est plus catégorique et il sait dire «Non». C’est tout mon contraire. Moi, j’étais le «trop bon, trop con». Les gars ont peur de lui car il n’a pas sa langue dans sa poche. J’ai toujours été contre cette attitude et je lui demandais d’être un plus diplomate. Mais aujourd’hui, l’expérience a fait de moi un homme neuf. «Kouma guekh ma wothiouleu (qui me cherche me trouve).» J’ai beaucoup appris de lui. Pour sûr, on a eu des prises de tête, mais on réglait nos comptes et on passait à autre chose.»

SEPARATION

Awadi : «Notre complémentarité me faisait cruellement défaut»

«Au moment de notre «break», j’ai connu une grande solitude. J’avais l’habitude de tout faire avec lui et quand je ne le voyais pas à mes côtés, cela me faisait c… Je me disais mais il est con ce gars. Cette complémentarité me faisait cruellement défaut. Je ressentais un grand vide. Mais, l’orgueil me poussait à tout garder pour moi. On ne travaillait plus ensemble, mais on s’appelait de temps à autre.»

Duggy Tee : «Les gens sont allés jusqu’à dire qu’Awadi avait bouffé mon argent»

«A un moment, on a connu une crise de la personnalité. On a connu très tôt le succès, mais on a su aussi très tôt détecter nos ennemis. Notre compagnonnage dérangeait. Il y a eu beaucoup de manipulations venant de l’extérieur, ce ne sont pas des personnes qui nous ont séparés. Il y a eu la lassitude, l’ennui. Cela arrive même aux couples mariés. La routine éloigne les gens. C’est pourquoi, on s’est dit à un moment, «stop, il faut qu’on arrête !» Mais, ce n’est pas une histoire d’argent ou de femme. Et notre complicité me manquait beaucoup. La nature a horreur du vide et les gens voulaient coûte que coûte trouver une explication à cette séparation jusqu’à vouloir s’immiscer dans notre relation. Les supputations allient bon train et certains ont poussé le bouchon jusqu’à dire que c’est Awadi qui avait «bouffé» mon argent. Quoique l’on fasse ou dise, nous sommes quittes avec notre conscience. Ce que les gens disent nous laisse de marbre. C’est normal qu’on suscite la jalousie et qu’il y ait des esprits malintentionnés.»

AMINATA FAYE (STAGIAIRE) & NDÈYE FATOU SECK

L’OBS via iGfm

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