Boubacar Diallo alias Dj Boubs, speaker a la coupe du monde de football : « La musique sénégalaise va vibrer dans les stades qataris. J’ai une playlist de 10 tubes »

par | 18 novembre 2022 | Chroniques

Il vient de faire un voyage de 24 heures pour rejoindre le Qatar. Il y officiera à partir de ce dimanche comme Dj et speaker et l’homme compte bien jouer sa partition dans le parcours des « Lions » et au-delà faire raisonner la culture sénégalaise sur le toit du monde. Pour Boubacar Diallo alias Dj Boubs, l’enjeu est de relayer la voix des Sénégalais au Qatar.

Vous êtes à l’affiche comme Dj et animateur à la coupe du monde qui s’ouvre ce dimanche. Comment on se sent d’avoir été coopté pour un si grand évènement ?

Les Qataris veulent donner un cachet spécial, populaire à la coupe du monde, c’est pourquoi ils ont cherché à avoir des animateurs de tous les pays qualifiés. Pour moi, c’est la chargée de marketing de la fédération sénégalaise de football qui m’a contacté pour m’apprendre que la Fifa demandait après mon numéro de téléphone. Ils m’ont finalement envoyé un mail pour me dire le projet et ce qu’ils attendaient de moi. En termes de challenge, quand on a fait le spectacle Bercy de Youssou Ndour, quand on a fait des spectacles avec des grandes marques un peu partout dans le monde, speaker à la coupe du monde c’est une continuité.

Quel sera votre cahier de charges et y a-t-il un style à adopter ?

Ils veulent que je reste naturel et que je continue véritablement à faire rêver les gens dans les stades, faire bouger les supporters avant, pendant et à la fin des matches. Il y a aussi au Qatar énormément de fan zone à animer et j’en ferais certains.

Connaissez-vous déjà les matches que vous aurez à animer ?

Je sais que je vais animer tous les matches du Sénégal. Après le reste, ils vont voir comment se fera l’animation.

Quelle sera votre touche personnelle ?

Je suis prêt à apporter un plus pour que l’équipe sénégalaise se sente encore mieux et que les gens ne soient pas dépaysés au bout du monde. Qu’il y ait du relationnel entre les supporters et moi qui serais sur le gazon. Que je puisse réchauffer l’ambiance, accueillir l’équipe, donner de soi pour qu’elle soit à fond…

Vous avez animé des matches du Sénégal où l’on vous a vu vous impliquer, non pas en tant que professionnel mais en tant que supporter. Serait-ce un schéma à reproduire ?

Ce n’est pas un style à reproduire c’est sûr. On a un cahier de charges très clair avec des choses à faire ou à ne pas faire, des positions à prendre et à ne pas prendre. Il y a des aéras où se mettre, les musiques à emmener…

Et quelles sont les musiques que vous avez décidé de passer ?

Notre musique doit vibrer dans les stades. J’ai fait 10 choix de tubes dont 5 prioritaires. Le premier choix c’est « Navetane » d’Elage Diouf, ensuite il y a « Bodio bodio » remixé en dance, « Lion » de Youssou Ndour qui traverse depuis des années le football, « Djagou mass » de Sidy Diop, « Mba xol yagui fekh » de Waly Seck, « Équipe nationale » de Oumar Pène, « Sounou Gaindé yi » de Viviane, Pape Diouf et enfin Bass Thioung dans « Coupe bi ».

Vous entrez en scène pour le premier match du Sénégal donc pour le match officiel…

Oui. J’ai une petite partition d’accompagnement, de suivi, de regard sur l’ouverture. Sur le cahier de charge, nous nous devons d’être discret.

Auriez-vous à cœur, au-delà de l’engouement des supporters sénégalais, d’emporter les autres supporters en face dans votre univers ?

Oui, ce sera le défi. Faire bouger tout le stade et non seulement la partie sénégalaise. Raison pour laquelle les animateurs seront formés durant cette semaine. On nous apprendra le minimum de courtoisie dans les autres langues, surtout la langue hôte. Sur chaque match et chaque équipe, il y aura des mots à dire, une stature à adopter. C’est vraiment du travail.

Cela veut-il dire qu’on entendra le wolof dans les stades qataris ?

Beaucoup de wolof même. (Rires).

On sait qu’il y a beaucoup de restrictions dans cette coupe du monde. Est-ce que les animateurs seront contraints à une tenue ?

C’est eux qui donnent les tenues. Ce sont des tenues de travail : des Lacoste, des jeans et chaussures non brandées.

Il y a eu des appels au boycott. Est-ce que sur le terrain, c’est quelque chose qui se ressent ?

Pas du tout. Il y a beaucoup de ferveur et l’aéroport est bondé, il y a des arrivées toutes les 5 minutes. J’ai mis plus d’une heure à sortir de l’aéroport à cause du monde qu’il y avait. Il y a vraiment, vraiment beaucoup de monde.

Vous animerez tous les matches des « Lions ». Cela veut-il dire que votre contrat suivra le parcours de l’Équipe nationale dans cette coupe du monde ?

C’est plus compliqué que ça mais normalement ça devrait s’arrêter avec les « Lions » oui.

Quels sont les termes de votre contrat ?

Il y a des honoraires et une prise en charge. C’est rémunéré comme tout travail de professionnel.

Rémunéré à quelle hauteur ?

On signe un contrat en dollar, c’est tout ce que je peux dire. (Rires).

Est-ce un contrat qui surclasse ceux que vous aviez ?

C’est dans le même niveau.

« Je sais c’est quoi avoir faim, c’est quoi se lever le matin sans un sou en poche. Je sais ce que ça fait de ne même pas pouvoir s’offrir le transport pour l’école »

De Guédiawaye dans la banlieue dakaroise aux sommets du monde. Vous en avez fait du chemin…

Je suis né à la Médina, j’ai passé mon adolescence à Guédiawaye Mais, c’est à Rufisque que j’ai eu mon bac. J’étais prédestiné à devenir dj. Car, depuis la classe de seconde, je flirtais avec le micro. Il est bon de préciser que ce sont mes camarades de classe qui me poussaient à prendre le micro sous prétexte que j’avais une belle voix. Lors de nos manifestations culturelles, je faisais la présentation. Les gens me disaient que j’ai une voix radiophonique. A l’époque je me rappelais que la radio Fm venait de naître à Rufisque. Mais, je n’y croyais pas encore, je me focalisais sur les études. Mes parents ne pensaient qu’aux études.

Comme tout enfant, rêviez-vous d’un autre métier ?

Je suis comptable et informaticien de formation. Mes camarades de promotion travaillent dans les banques de la place. Après avoir obtenu mes diplômes comme le voulaient mes parents, j’ai suivi ma passion qui est de devenir dj et speaker. J’ai réussi d’abord mon test à la radio Wal Fadjri sous la direction de Mame Less Camara. Ce n’était pas facile, Jules Junior et moi n’avions aucune chance. Il y’avait de grands animateurs de la trempe de Mikael Souma, Aziz Coulibaly alors que nous sortions du néant. Réussir le test était une chose, rester dans la boîte en était une autre. A l’époque, faire de la radio était un grand défi par rapport à aujourd’hui. Il n’y avait que deux radio, Sud FM et Wal Fadjri.

Vous aviez tout de suite convaincu Mame Less ?

Je me rappelle que j’étais tout le temps à la mosquée pour faire mes prières et Mame Less me trouvait bizarre. Il me disait comment un enfant de la mosquée peut prétendre à l’animation. Cependant en tant que grand professionnel, il a écouté et aimé ce que je faisais. J’ai décroché ainsi ma première émission nommée « Sapeudeuguin ndat say ».

Vous vous êtes très vite révélé au grand public.

Il m’a fallu six mois pour me révéler. Et Walf est très vite devenue la première radio. Je me rappelle de Sidy Lamine Niass courant pieds nus dans les escaliers avec le sondage à la main. Il criait « Boubacar, tu occupes la première place dans les sondages. » Il était tout joyeux. J’étais heureux mais j’avais la tête sur les épaules, pour moi le plus important c’était de gagner ma vie. Je ne faisais pas la star. Faire de l’animation suffisait à mon bonheur, Mon objectif, c’était de partager ma joie. L’essentiel, c’était de rendre joyeux les auditeurs. A l’époque, une petite dédicace à la radio faisait le bonheur de tout le monde.

L’animation était une passion d’enfance mais avez-vous suivi des formations pour affiner ce don ?

Pour la publicité, il fallait travailler la voix car la publicité est différente de l’animation à la radio. Pape Faye, m’avait conseillé de me rendre à Daniel Sorano pour voir s’il y a lieu de faire quelque chose. J’ai fait des cours au centre culturel français. J’ai aussi travaillé à maitriser ma présence, ma relation avec le public. Nous avions aussi travaillé sur l’expression scénique.

Combien de temps avez-vous tenu l’antenne de « sapeudeuguine »

De 1997à 2003. Après, 2003 je suis venu à la Rfm pour continuer le projet avec Youssou Ndour. A la Rfm, j’ai animé l’émission « Deugeutane» jusqu’en 2007, c’est à cette époque que la radio est devenue la première station. Toute l’équipe s’était donnée afin d’atteindre le sommet.

Et puis à côté de l’animation, on découvre un Boubacar Diallo qui sait mener sa barque dans les affaires ?

Dans la vie, on te tend la main et c’est à toi de la saisir et de faire le reste. Il faut faire des affaires, créer des choses, faire bouger son imagination. J’ai toujours été un homme d’affaires. Quand j’étais au lycée, j’étais un bon vendeur de poulets, je déplumais les poulets à 100 FCFA au marché, j’étais aussi manœuvre dans les chantiers à Sacré cœur 3, j’ai travaillé au Port de Dakar… J’ai roulé ma bosse un peu partout, je n’ai jamais eu de vacances.

Et jusqu’à présent, vous avez gardé l’image d’un bête de travail…

C’est en moi. Même durant mes classes d’examen, je faisais un travail à côté. Après le bac, j’ai travaillé pour me payer mes études. Moi, j’ai une seule passion dans la vie, c’est le travail.

Cette hyperactivité vous a mené à vous jauger dans différents milieux professionnels et même la comédie ?

C’est toujours du travail. Quand la Tfm est née, il fallait des programmes solides. En discutant avec Youssou Ndour, il m’a soutenu dans les multiples projets comme « Dakar ne dort pas… » ou « Un café avec… ». Je n’ai pas hésité à me mettre en scène pour donner du contenu à la télé. A la base, je ne voulais pas vraiment faire des films mais engager la télé dans un programme innovant.

Et mine de rien, cette série a fait des émules dans l’audiovisuel. Peut-on dire que vous avez été précurseur ?

Rires. C’est la télévision qui est magique. Elle donne envie aux autres de faire des choses. La télévision crée des passions.

Vous ouvrez votre propre station radio quelques années après. C’est l’enchainement naturel de votre désir d’aller toujours plus haut ?

Quand tu arrives au sommet de ce que tu fais, tu cherches à rendre la main qu’on t’a tendue. Mame Less Camara m’a tendu la main, Sidy Lamine Niass m’a tendu la main, Youssou Ndour m’a tendu la main. C’est naturel qu’à mon tour je cherche à en faire autant. J’ai ouvert une radio pour permettre à d’autres personnes de travailler, de s’affirmer, d’être des étincelles pour le pays.

Un côté philanthrope avec lequel vos voisins à la Médina ont longtemps vécu et qui fait que le siège de la Rfm était souvent assailli de gens qui vous sollicitaient. Là aussi vous rendiez un peu de ce que vous aviez ?

C’est un peu plus profond que ça. Je sais c’est quoi avoir faim, c’est quoi se lever le matin sans un sou en poche. Je sais ce que ça fait de ne même pas pouvoir s’offrir le transport pour l’école. Je connais la sensation de devoir manger le même repas aux heures du déjeuner et du souper. Quand on a vécu cela, on reconnait aisément ceux qui sont dans le besoin. Tous ces gens qui faisaient la queue à la Medina pour me voir, ce sont des gens aussi avec lesquels j’ai grandi à la Médina, à Rufisque, à Guédiawaye. J’ai donné dans la mesure du possible parce que j’ai eu faim et que cela m’a donné la culture du partage.

A choisir, laquelle de vos nombreuses casquettes voudriez-vous qu’on garde ?

Je voudrais qu’on retienne de moi celui qui aime les autres. J’aime soutenir, accompagner. J’aime les autres.

Pour donner un point final à votre carrière, ne serait-il pas logique de vous voir dans le futur ouvrir une école ?

C’est en méditation. Ça demande beaucoup d’argent, beaucoup d’organisation alors que j’ai un volume de travail énorme.

Dans quelques jours, votre voix résonnera dans le monde entier. Existe-il une étape après ça ?

Le monde est rempli de montagnes à franchir.

AICHA FALL

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