Anciennes gloires de la musique : A un pas de la retraite

par | 30 mars 2023 | Chroniques

Elles ont fait les beaux jours de la musique traditionnelle sénégalaise avant de laisser la scène à la jeune génération. Pourtant, Daro Mbaye, Athia Wellé, Dial Mbaye, Fatou Laobé et Kiné Lam ne sont pas en panne d’inspiration. Pour ces gloires, c’est le manque de producteurs qui a fini par les reléguer au second plan.

Daro Mbaye. On disait d’elle qu’elle avait pris sa retraite depuis l’éclosion de son fils, Sidy Samb, sur la scène musicale. Le début de sa carrière s’était fait sous les auspices du 1er Festival mondial des arts nègres en 1966. Daro Mbaye, grande cantatrice, interprète de la mythique chanson Jongoma, avait fêté ses 45 ans de scène en 2012. Elle en avait profité de l’évènement pour annoncer un album à paraitre, qui devait rallonger la liste de la dizaine à son actif. Mais depuis lors, plus rien. Ou alors très peu de choses ont filtré sur l’ancienne pensionnaire du théâtre Sorano. « Je ne suis plus vraiment dans l’art à proprement parler, je suis bien chez moi. Je prie, je suis les préceptes de l’Islam et je reste avec ma famille. Je n’envie personne », dit-elle au téléphone d’un ton calme. En fond sonore, le xalam délivre quelques notes nostalgiques. Elle semble sortir d’une répétition. Pour cause, même si elle semble avoir coupé les ponts avec le milieu de l’art, Daro Mbaye continue de chanter partout où on a besoin d’elle.

Athia Wellé. « Je crains que cela soit fini pour moi », dit tristement la chanteuse Dieynaba Wellé plus connue sous le nom d’Athia. Diva à la retraite et porte-drapeau de la musique puular au sein l’Ensemble lyrique traditionnel du Théâtre national Daniel Sorano, elle aura vécu intensément sa passion pendant plus de 45 ans et mis sur le marché un répertoire de 6 albums. Depuis plusieurs années, l’artiste qui vit à Yeumbeul dans la banlieue dakaroise se veut plus discrète. Dans une interview parue en 2020, elle disait avoir lever le pied après son pèlerinage aux lieux saints. Mais il y a aussi que, comme la plupart de ses compères, Athia Wellé manque cruellement de producteurs. Elle a bien essayé de se produire par ses propres moyens, une expérience qu’elle n’est pas prête à reproduire. « Non seulement, l’album ne s’est pas vendu à cause d’un manque de promotion, mais en plus, j’ai été victime de piratage. J’ai donc perdu tout mon investissement », explique-t-elle. Pour ne pas complètement rompre avec la musique, elle se contente de faire des playbacks dans les cérémonies où elle est engagée. Athia n’est pas « guéwel » et ne peut donc pas courir les cérémonies. De fait, la plupart du temps, elle se satisfait de sa pension auprès de sa famille tout en chérissant la mémoire de sa défunte fille, celle qui devait prendre sa relève et qui est morte noyée à 24 ans au cours d’une tournée de sa mère dans le Fouta en 1996.

Dial Mbaye. Elle n’a jamais fait partie de la troupe de Sorano et doit donc son succès à ses activités de griotte dans les cérémonies qui, dans un premier temps, l’ont rendue populaire à travers le Sénégal. Ce qui lui permet de faire une de ses premières scènes en 1989 à l’occasion de l’inauguration du siège de la Rts sur l’avenue Malick Sy. Remarquée par le célèbre producteur Talla Diagne, elle met sur le marché son premier single « Fa Wade Wellé » qui lui ouvre le succès. « Tout s’est enchainé pour moi : les cassettes, les spectacles, les voyages », disait-elle, dans une interview. Une décennie à vivre à cent à l’heure et puis plus grand-chose. La faute au manque de producteurs, croit savoir celle qui aujourd’hui a repris ses activités dans les cérémonies. « On fait des prestations dans les cérémonies et les évènements gouvernementaux. Je tire mon épingle du jeu avec cela », précise-t-elle. Il y aussi que Dial Mbaye a investi dans l’éducation de ses enfants et dans le commerce. Elle a mis à disposition de ses enfants, deux boutiques qui lui permettent de jouer à la commerçante lorsqu’elle ne chante pas. A 74 ans, elle ne se voit plus courir ni les producteurs, ni les radios, encore moins les évènements officiels où elle n’est pas invitée. « Je me suffis de ce que j’ai », conclut-elle sentencieuse.

Fatou Laobé. Elle n’a pas vraiment arrêté la musique même si elle n’a pas été vu sur une scène depuis longtemps. Fatou Laobé a sorti un single l’année dernière et en 2020 avec le succès que l’on sait. Des créations qu’elle a produites elle-même. D’ailleurs, elle tient à préciser : « Depuis que je ne suis plus avec Youssou Ndour, j’ai tout produit de ma propre poche ». Fière, elle se refuse à tendre la main ou à chercher une main tendue. Elle peut se le permettre puisqu’elle travaille en dehors de l’art. Très connue sur les réseaux sociaux pour son activité de vendeuse de crèmes éclaircissantes, la chanteuse fait aussi dans le commerce international d’encens. Ce qui lui permet de subvenir à ses besoins et de s’adonner de temps à autre à sa passion pour la musique. « Je conseille aux artistes de trouver un boulot à côté du chant. Au Sénégal, un artiste est traité pire qu’une benne à ordures : il n’est pas honoré, ne reçoit pas de moyens et pire, subit des attaques personnelles alors qu’il représente son pays », crache celle qui révélait avoir subi des attaques mystiques dans le milieu du showbiz. Dans le meilleur des mondes, Fatou Laobé espère sortir un album qui lui permettra de renouer avec la scène.

Kiné Lam. Elle sort de quelques années difficiles après la mort de son célèbre mari qui l’a tenue loin de la scène musicale depuis 2019. Depuis, Kiné Lam se remet en selle petit à petit. Elle espère sortir un album dans les jours à venir. Les titres sont prêts, la production ficelée. « Dès que je rentre à la fin du mois, je sortirais deux albums de 10 titres chacun », révèle-t-elle depuis sa maison à Touba où elle séjourne pour le mois de Rajab, afin de prier pour son mari. L’artiste abordera divers thèmes comme celui actuel des accidents de la route. Elle devrait aussi y rendre hommage aux artistes de sa génération comme Youssou Ndour, Baba Maal ou Thione Seck. Depuis 2003, elle n’a plus travaillé avec un producteur. Une indépendance qu’elle doit à la bonne situation de ses enfants. A 64 ans, Kiné Lam n’est plus loin d’arrêter la musique. C’est un de ses souhaits. « Je prie pour avoir la clairvoyance d’arrêter à temps ».

AICHA FALL

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