Mamadou Lamine SECK alias NDONGO D, rappeur du groupe DAARA J FAMILY : « Nous allons créer une fondation d’aide à l’enfance »

par | 12 juillet 2010 | Webnews

Le groupe de rap « Daara J Family » a récemment mis sur le marché l’album « School of life » composé de seize titres. Cet opus prône l’enracinement et l’ouverture. Dans cette interview, Ndongo D, un des membres du duo, soutient que le rap sénégalais doit s’inspirer du folklore national pour être plus original et, ainsi, mieux se vendre sur le plan international.

Que renferme le titre « School of life » ?

« L’album School of life est original aussi bien au niveau de l’écriture, de la rythmique que de la conception musicale. C’est un produit classique qui va traverser le temps. La preuve, il est bien accueilli par le public national et international. C’est un album-concept car lorsque vous épelez le titre, le « S » de school, le « O » de of et le « L » de life, cela vous donne « SOL », c’est-à-dire la terre. La pochette bleue symbolise le ciel et tout cela rejoint la philosophie du Daara J Family qui met en exergue l’humilité : avoir les pieds sur terre pour s’élever vers le ciel. L’album parle de l’Afrique et de son avenir à travers des chansons comme « Temps boy » qui retrace notre enfance. Il s’agit de créer un déclic pour la nouvelle génération qui se bat pour s’en sortir. Aujourd’hui, il y a tellement de conflits sociaux et les jeunes ont besoin de repères pour y faire face. Ils doivent également comprendre que l’Europe n’est pas l’Eldorado ? On peut bien s’en sortir ici, chez nous, si nous y croyons. Nous avons voyagé un peu partout dans le monde et avons eu l’opportunité de nous installer à l’étranger, mais avons préféré rester au Sénégal pour tirer notre épingle du jeu comme tout le monde. Sur ce plan nous pouvons dire que le Daara J Family est l’exemple type de jeunes sénégalais qui croient en leur pays et qui désirent y rester et y réussir. Par rapport au titre, nous considérons que la vie est une école. Il faut toujours apprendre pour mieux se battre. L’école de la vie est la synthèse de toutes les écoles. Et nous considérons que la première école de l’homme reste la famille ».

Et la créativité dans cet album ?

« A l’écoute de l’album, on est surpris. Je parle comme un auditeur. Il y a quelques jours j’étais à Niamey. Une Française et deux Nigériens étaient dans la voiture et le chauffeur a mis le Cd dans le lecteur. Quelques minutes après, l’un des occupants de la voiture demande à son voisin : mais c’est extraordinaire ce Cd, qui sont les auteurs ? On lui répond : c’est le groupe sénégalais Daara J Family. Il n’en revenait pas. Il y a plusieurs sonorités africaines dans l’album. Cela veut dire qu’il y a une réelle créativité et des innovations de taille. Nous avons exploré de nombreuses richesses de la musique africaine ».

On peut donc dire que c’est un album d’ouverture ?

« Exactement, il s’agit d’un album universel et il faut bien l’écouter pour s’en rendre compte. A travers le morceau « Celebrate », nous invitons les mélomanes à un voyage dans les confins du Mississipi et, en même temps, au Mali, chez feu Aly Farka Touré ».

Le message à retenir… ?

« Un message de paix et de sérénité. Les Africains manquent souvent de volonté dans la prise en charge de leur destin et, très souvent, nos dirigeants ne sont point en phase avec leur peuple. Prenons l’exemple du projet des Etats Unis d’Afrique. Les peuples ne dansent pas au même rythme que les élites. Pour revenir à l’album, plusieurs thèmes y sont développés et chacun peut y trouver ce qu’il cherche, du président de la République aux marchands ambulants, en passant par les rappeurs, les jeunes ou les paysans. Le message est intemporel et intergénérationnel. Notre objectif était de don,ner aux mélomanes un produit qui traverse le temps ».

Le Daara J Family ce sont deux rappeurs au lieu de trois comme dans votre premier groupe. Il y a nécessairement une rupture. Elle se situe à quel niveau ?

« Justement il y a eu de nombreuses polémiques après le départ du troisième membre du groupe (Lord Aladji Man, ndr). Nous avons entendu plein de choses et des gens ont fait notre procès dans les médias. La réponse pour nous consiste à revenir avec un album de qualité. Il y a une véritable rupture aux niveaux musical et textuel. Dans le Daara J originel, il y avait trois voix : le ragga, le soul et le rap. Aujourd’hui, quand vous écoutez notre nouvel album, vous constatez cette rupture à tout point de vue. Par exemple dans le morceau « Pottu nda » nous avons rappé sur de l’afro-beat. Vous avez l’impression d’écouter Fela du Nigeria dans un style rap. Nous avons proposé une musique bien de chez nous avec une large ouverture vers l’extérieur. Il fallait le faire et maintenant c’est au public d’apprécier ».

Qu’en est-il de vos perspectives ?

« Il y a des tournées prévues en Afrique et en Europe. Nous avons déjà joué des concerts à Paris. Sur le plan national, nos fans ne se plaindront pas car nous leur réservons des surprises. Il est normal de faire la promotion du produit et le public a envie de communier avec nous. Les perspectives consistent à asseoir le groupe et lancer notre label Bois sacré ».

Les artistes interviennent de plus en plus dans des causes comme la lutte contre le paludisme, les campagnes de sensibilisation sur d’autres maladies, etc. On ne sent pas le Daara J Family sur ce terrain. Pourquoi ?

« Nous avons une démarche différente car nous préférons toujours faire les choses dans la discrétion, sans bruit. Dans le passé, nous avons fait des choses dans ce sens et nous comptons bientôt mettre sur pied une fondation qui va intervenir dans le domaine de l’enfance. Nous n’avons pas besoin d’en dire plus ».

Comment se porte le rap sénégalais aujourd’hui ?

« C’est un rap qui a traversé le temps. Il est vrai que lorsqu’on parle du rap sénégalais, les gens ne citent que quelques noms en oubliant du coup qu’il y a une chaîne qui s’est développée dans toutes les régions. De nombreux jeunes ont intégré le mouvement hip-hop. Aujourd’hui, ce rap a besoin de s’enraciner pour mieux s’internationaliser, même si bon nombre de critiques soutiennent que le rap africain n’existe pas. Selon eux, le vrai rap reste celui de Brooklyn aux Etats-Unis. En Afrique, il faut de la recherche approfondie pour accrocher le public international. Et c’est toujours intéressant de regarder ce qui se fait ailleurs. J’ai l’impression que le rap sénégalais ne regarde pas chez ses voisins. Il y a un rap éclectique chez les Nigérians avec divers rythmes, mélodies et langues. Et ça s’exporte bien ».

Et que suggérez-vous alors aux autres rappeurs, notamment les jeunes ?

« Je leur conseille d’avoir plus d’originalité. Nous sommes dans un marché du donner et du recevoir et nous ne pouvons pas faire du rap comme Snoop Dog ou d’autres musiciens américains. Nous devons apporter quelque chose de plus qui doit impressionner musicalement. C’est une question de survie ».

Suivant votre logique, il s’agit d’explorer davantage notre folklore.

« Je ne vais pas utiliser ce mot (rires) parce que le terme folklore peut déranger certains rappeurs qui n’aiment pas ce mot. Récemment, j’ai lu une critique de quelqu’un qui disait qu’il aime notre album, mais que notre rap est trop folklorique. Justement, c’est notre folklore qui nous permet de faire la différence. Etant un Saloum Saloum, je suis fier d’écouter de la musique mandingue, diola ou sérère pour m’inspirer de ces rythmes traditionnels qui peuvent rejaillir dans mon rap et créer une certaine originalité.

Sincèrement, écouter les chanteurs Yandé Codou, Simon Sène, les groupes Ucas Jazz de Sédhiou ou Xalam aiguise mon inspiration. La différence crée la surprise et accroche ».

PROPOS RECUEILLIS PAR MAKÉ DANGNOKHO

Source : Lesoleil.sn

Articles similaires

Baba Hamdy revisite  le répertoire d’Oumar Péne

Baba Hamdy revisite le répertoire d’Oumar Péne

Le pianiste et arrangeur Baba Hamdy continue son odyssée musicale ,entamée depuis de nombreuses années. Ainsi après avoir rendu un vibrant hommage à Youssou Ndour dans un album resté mémorable , il revient à la charge en se penchant sur le fabuleux répertoire d’un...

Fadel Barro et Cie, arretés à Kinshasa

Fadel Barro et Cie, arretés à Kinshasa

Les membres du mouvement Y en a marre, en mission au Congo (RDC) avec des membres du Balai Citoyen du Burkina, ont été arrêtés en même temps que des activistes congolais du mouvement FILIMBI, l’équivalent local du mouvement Y en a marre. C’est ce qu’annoncent...

Coumba Gawlo, 25 ans pour être…Diva

Coumba Gawlo, 25 ans pour être…Diva

Dans le cadre de ses activités annuelles, l’artiste Coumba Gawlo célèbre chaque année sa carrière lors d’une manifestation de portée nationale, avec tout le symbole autour de sa forte ambition artistique. Cette année, la cérémonie qui sacre un quart(¼) de siècle sera...

Angelique Kidjo récompensée aux Grammys

Angelique Kidjo récompensée aux Grammys

La chanteuse Angelique Kidjo, l'une des plus grandes stars de la musique africaine, a gagné dimanche son second Grammy récompensant le meilleur album de musique du monde pour Eve, dédié aux femmes d'Afrique, auxquelles elle a rendu hommage. «Cet album est dédié aux...

Akon featuring Magic System pour lutter contre Ebola.

Akon featuring Magic System pour lutter contre Ebola.

Akon et Magic System étaient en studio pour l'enregistrement de leur single dont tous les bénéfices seront reversés à la lutte contre le virus Ebola. Un vraie moment de création pour la bonne cause filmé en exclu par TRACE Urban. On y voit Akon accueillir le groupe...