Habib FAYE : « Il faut oser le dire dans la musique sénégalaise, il y a plus de quantité que de la qualité ! »

par | 4 mai 2013 | Interviews

Multi-instrumentiste hors-pair au talent incommensurable, Habib FAYE est un pur don du Très-Haut fait à la musique du pays de la Teranga. Sa maestria et sa vista audacieuse toujours  innovante en musique lui ont valu la prestigieuse distinction : Chevalier de l’Ordre National du Lion. Ayant fait les beaux jours du Super Etoile, Habib super bassiste a fait emprunter une nouvelle direction à sa carrière en évoluant en solo dans le genre issu de la culture afro-américaine : le jazz. Dakarmusique.com est allé à la rencontre de ce monument pour un entretien inédit.

Dakarmusique.com : A 15 ans déjà sur scène et vous ravivez la vedette à tout le monde, quel souvenir gardez-vous de votre baptême de feu ?
Disons même que c’était moins de 15 ans, j’avais 11 ans presque ! Mon 1er concert s’était tenu à Blaise Senghor en compagnie de mes frères.

Dakarmusique.com : les FAYE, une famille de brillants musiciens ; quelle est votre histoire avec les instruments ?
Ah c’est vous qui le dites (rires) ! C’est vrai que nous avons eu très tôt dès le bas âge le contact avec les instruments la guitare par exemple. A la maison, notre père jouait la guitare à ses heures perdues, mais ce n’était pas un professionnel. Donc c’est étant très jeune que nous nous sommes familiarisés avec cet instrument, et puis les choses sont allées très vite car nous avions pris le virus.

Dakarmusique.com : pouvez-vous nous parlez de votre rencontre avec Youssou NDOUR ?
Je pense que ça s’est passé par l’entremise de mon grand frère Feu Adama FAYE, celui-ci a beaucoup œuvré pour la musique sénégalaise, d’ailleurs je profite de cette occasion pour lui rendre encore un vibrant hommage, parce que ce 30 avril est son anniversaire, curieusement la Journée Mondiale du Jazz est tombée sur sa date d’anniversaire. Célébrer cette Journée sous la tutelle du Ministère de a Culture qui a bien voulu témoigner son respect et sa reconnaissance à la mémoire de Adama est un énorme plaisir. Adama m’a initié et mis en relation avec Youssou NDOUR.

Dakarmusique.com : vous avez évolué avec le Super Etoile pendant 25 ans, vous avez arrangé et composé un bon nombre de chansons de l’orchestre, laquelle des chansons que vous arrangée ou composée pensez-vous être la plus aboutie ?
En ces termes là je pense que j’aurai l’embarras du choix, parce qu’il y a eu tout de même un bon nombre de morceaux que j’avais déjà composé lorsque j’avais 11 ans, 12 ans, et que j’ai joué au Super Etoile ; je dirai que c’est ‘’Bekoor’’ entre autres, car ce sont des tubes qui ont bien marqué leur temps par le jeu de la basse, une chose nouvelle en son époque. C’est l’un des morceaux qui m’a beaucoup marqué au sein du Super Etoile.

Dakarmusique.com : pour quelles raisons avez-vous quitté le Super Etoile ?
Je l’ai quitté d’abord parce que j’avais une carrière solo à faire, ensuite le Super Etoile est inactif, donc je ne vois pas comment on peut travailler dans une entreprise qui est inactive. Toutefois c’est surtout pour ma carrière solo, parce qu’il fallait bien que je l’entame un jour.

habib faye 2

Dakarmusique.com : vous êtes d’obédience instrumentale, mais pourquoi la guitare basse en particulier ?
Oui parce que déjà à la maison il y n’y avait pas de bassiste (rires), il n’y avait que des guitaristes ; dès le bas âge, je me suis mis à la basse parce que c’est un instrument qui m’a toujours interpellé, alors je me suis dit pourquoi pas, voilà!

Dakarmusique.com : les meilleurs bassistes africains sont pour la plupart des Camerounais, quelle est explication trouvez-vous à cela ?
C’est juste une question de culture, la basse camerounaise s’est développée grâce au rythme Bikutsi, qui est une technique qu’on a un peu plagié de Jaco Pastorius ; cette technique très rythmique adaptée à la musique africaine, d’ailleurs c’est de là qu’est venu le style Camerounais. Au passage j’en profite pour rendre hommage à mes collègues Richard BONA, Etienne MBAPPE, le Sénégalo-Camerounais Aladji TOURE pour avoir tant fait pour la musique.

Dakarmusique.com : des bassistes comme Paul McCARTHNEY, Richard BONA, Jaco Partorius, Flea etc. entre autres lequel d’entr’eux votre style se rapproche t-il le plus ?
Comme vous le dites mon style se rapproche plus de celui de Richard, c’est très normale vue qu’il est africain comme moi ; il est normale que je ressente plus un truc de Richard que de McCARTHNEY.

Dakarmusique.com : on dit que vous avez rencontré les STING, les Mark KNOPFLER, et même qu’ils vous ont apprécié ?
J’ai eu la chance de les rencontrer parce que ce n’est pas du tout donné à tout le monde de rencontrer ces grands messieurs de la musique. Mark KNOPFLER, j’ai eu à le rencontrer quand j’avais 19 ans, il a adoré ce que je faisais lors d’un concert, il m’a beaucoup admiré ; nous avons joué ensemble au premier concert d’Amnesty International avec les ATKINS, Peter GABRIEL etc.

Dakarmusique.com : en tant que bassiste expérimenté, que pensez-vous de l’évolution de la musique sénégalaise ?
Il faut oser le dire dans la musique sénégalaise, il y a plus de quantité que de la qualité ! Ça il faut oser le dire parce que ça ne nous sert à rien de nous voiler la face. C’est vrai qu’il y a beaucoup de productions, mais malheureusement la qualité reste à désirer. D’ailleurs il semble que la qualité est  de plus en plus demandée, le succès de Pape & Cheikh en constitue une belle illustration.

Dakarmusique.com : la surabondance des percussions est-elle un frein à l’exportation du Mbalax ?
Oui c’est un frein ! On a eu la chance d’hériter d’une musique polyrythmique que nous seuls sénégalais comprenons malheureusement. Ce n’est pas avec beaucoup de rythmes que nous allons arriver à l’exporter. Je pense que cette richesse doit être épurée pour l’export, les techniciens et les musiciens doivent chercher les moyens d’épuration de notre musique.

Dakarmusique.com : que pensez-vous du site et web-radio dakarmusique.com ?
Je pense que c’est bien, ça participe à booster les choses. Et justement nous avons besoin de sites du genre pour promouvoir ce que j’appelle les musiques faibles. C’est vrai que vous essayez de rechercher tout le temps la qualité, rien que pour ça je vous encourage à aller de l’avant!

Par Moustapha KORERA, DAKARMUSIQUE.COM
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