Avec une dizaine de ministres en douze ans d’exercice du pouvoir, Me Abdoulaye Wade a été le président le plus glouton en matière de ministres de la Culture que notre pays ait connu. En effet, aucun de ses prédécesseurs n’a utilisé autant de ministres dans ce département que lui. Toutefois, au rythme où vont les choses, son successeur, le président Macky Sall, arrivé au pouvoir en 2012, est bien parti pour battre son record. Et pour cause, il en est à son troisième ministre de la Culture en la personne de M. Mbagnick Ndiaye qui lui-même a longtemps évolué dans le milieu culturel à travers l’association « Ndef Leng » initiatrice des journées culturelles sérères.
Après, donc, la surprise du chef à l’avènement de M. Macky Sall avec le chanteur Youssou Ndour au département de la Culture dans le premier gouvernement de la deuxième alternance, il y a eu Abdoul Aziz Mbaye qui hérite de ce département mangeur d’hommes. Ce qui fait, de 2000 à 2014, presque douze ministres en 14 ans. Autrement dit, une moyenne d’un ministre par année ! En effet, le ministère de la Culture a pêle-mêle accueilli durant ce laps de temps : Abdou Fall, Amadou Tidiane Wone dit Baba, Mamadou Makalou, Penda Mbow, Safiètou Ndiaye Diop, Mamadou Diop Decroix, Madior Diouf (tiens, tiens où est – il c’lui là) Serigne Modou Bousso Lèye, Mame Biram Diouf et Awa Ndiaye la dernière ministre de la Culture du Sénégal de la première Alternance. Tous ont été utilisés par Me Wade sans pour autant qu’ils aient réussi à imprimer leur marque à ce ministère si important pourtant. La parenthèse Wade fermée, on pensait que la Culture allait retrouver ses habits de lumière et rompre avec l’instabilité ministérielle. Mais voilà, chassez le naturel… Youssou Ndour, après quelques mois passés à la tête de ce ministère avait tracé sa feuille de route et était même allé s’imprégner du savoir de ses prédécesseurs dont des ministres du deuxième président du Sénégal, Abdou Diouf. Mais sans avoir eu le temps de lancer ses chantiers culturels, il a été prié de céder la place à Abdoul Aziz Mbaye, certes brillant intellectuel, mais déconnecté de nos réalités culturelles. Lequel, pour se ressourcer, est allé dans le Sénégal des profondeurs où il avait entamé une tournée très coûteuse axée sur la diversité culturelle.
En quittant ce ministère que l’on dirait hanté, lui aussi laisse des chantiers en jachère. Et c’est là que l’on attend l’expertise du tout nouveau ministre sur qui des acteurs culturels portent un préjugé favorable puisque, tout en étant dans le monde sportif, il n’en est pas moins resté un acteur de la culture à travers, nous l’avons dit, l’association Ndef Leng. D’ailleurs, il est plus connu comme acteur culturel que pour son implication dans le milieu sportif.
En tout cas, les acteurs culturels fondent beaucoup d’espoirs sur le nouveau chef du département de la Culture et de la Communication pour qu’il impulse les vrais changements qu’attend ce secteur. On attend notamment de lui l’application des multiples résolutions issues de coûteux séminaires de réflexion et qui dorment dans les tiroirs poussiéreux du ministère depuis des années, parfois plus d’une décennie. Ce dans un secteur où tout est urgence, même l’état de santé de certains acteurs. Il s’agira accessoirement de mettre en œuvre les conventions de l’Unesco sur le patrimoine immatériel et sur les expressions culturelles qui peuvent servir de socle à une politique ambitieuse de la diversité et à l’exploitation du potentiel économique de la culture. Lequel, faut-il le répéter, est immense et pourrait être la voie du salut pour un Sénégal émergent pas seulement en slogan !
ALASSANE SECK GUEYE
Article paru dans « Le Témoin N° 1173 » –Hebdomadaire Sénégalais ( Juillet 2014)