Sister Maria « j’ai toujours eu le besoin d’être au service des autres. »

par | 27 juin 2009 | Interviews

Mariama REBEZ ou tout simplement sister Maria, est une métisse de mère sérer et de père libanais. Elle est animatrice depuis dix (10) ans dans différentes stations radio de Dakar, elle nous dit être une « yaaye fall » et une folle amoureuse de la Radio. Elle a décliné ici son programme idéal pour une radio et ce que doit être le rôle de tout animateur digne de ce nom. Elle nous parle également de la jalousie que certains animateurs cultivent à l’endroit de leurs pairs et qui constitue un véritable frein à leur métier…

Dakar Musique : Quand et comment vous est venue l’envie de faire de la radio ?
A l’école déjà, plus précisément au CEM Thierno Biraim MBACKE, je faisais de l’animation lors des journées culturelles. En effet, notre administration choisissait les élèves qui avaient un bon niveau en français pour assurer l’animation des  activités scolaires. Comme j’étais une « garçonne » je me plaisais bien de tenir le mic sur les podiums et animer les spectacles.

Dakar Musique : Quelle a été votre formation ?
Après le CEM, je suis allée au lycée John F. KENNEDY, où j’ai suivi mes études en série L jusqu’en classe de terminale. J’ai échoué au baccalauréat et j’ai perdu toute envie de continuer, vue que mon père était décédé je n’avais pas un contre poids pour renoncer à cette idée d’abandon de l’école. Je le regrette aujourd’hui, si c’était à refaire, je choisirais certainement de continuer à étudier. Dans ce lycée je n’ai pas vraiment évolué dans mes activités d’animation car l’environnement n’était pas pareil qu’au CEM, j’étais un peu dépaysée si je peux le dire ainsi. Au CEM tout le monde se connaissait, ce qui n’était pas le cas au lycée.

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Dakar Musique : Quel a été votre parcours professionnel ensuite ?
J’ai fréquenté mes grands frères et amis comme Xuman, et je participai aux podiums de reggae surtout ceux qu’on organisait le 11 Mai qui correspond à l’anniversaire du décès de Bob MARLEY. Je collaborai aussi à travers des matinées dansantes avec les Aziz SAMB, Jules Junior et DJ Prince. C’est en 2002 que DJ You que je salue au passage m’a proposé de venir avec lui voir du côté de la radio Témoin qui venait de démarrer ses programmes sur les ondes FM. Nous y sommes allés ensemble et avons trouvé Mamadou Omar NDIAYE et Ibrahima, c’est comme cela que j’ai été retenue pour commencer le lendemain même. J’ai débuté avec DJ Fox, Francky, Dave (qui est un des précurseurs de la radio nostalgie Dakar). Après mon passage à Témoin, j’ai intégré l’équipe de Soxna FM, c’est au temps de leur mosaïque avec l’antenne de TV5. J’ai donc passé cinq (05) années dans cette station, avant de démissionner suite à un petit problème survenu avec mon Directeur à l’époque Ben Basse DIAGNE. En effet ce n’est pas un problème de personne qui nous a opposé, mais plutôt un conflit de style. Moi je suis genre Baye FALL et quand il m’a appelé un jour pour me demander de changer ce style, j’ai préféré tout simplement quitter Soxna FM et de rester avec mon look, c’est-à-dire ma façon d’être.
C’est par la suite, deux (02) mois après cette démission que j’ai commencé avec Océan FM.

Dakar Musique : Ya-t-il des artistes ou des chansons que vous préférez  plus que d’autres ? Et comment vous faites pour le dissimuler dans vos animations ?
Oui bien sûr que j’en ai, mais vue que les auditeurs sont rois, on se soumet à leur désir. Et cela dépend aussi du public et de  l’audience nous avons. Par exemple mon public à Témoin, à Soxna et à océan est très différent car les émissions ne sont pas les mêmes. Un animateur doit être polyvalent, ce n’est pas la même chose quand on anime une émission carrément mbalax que quand on anime une variété par exemple. Quand  J’animai une émission qui s’appelait « Yon wi », j’avais cherché partout un générique qui pouvait aller avec le concept. Mais il se trouvait qu’il n y avait qu’Assane NDIAYE qui a chanté un morceau allant dans ce sens. Alors beaucoup m’ont pris pour son fan. Pour éviter ce genre de jugements aujourd’hui je ne mets que des instrumentaux, celui de Youssou NDOUR au début et celui d’une mélodie divine pour la fin de l’émission. Et si cela ne dépendait que de moi, j’allai mettre tout le temps des rythmes Baye FALL.

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Dakar Musique : Quels sont les avantages et les inconvénients d’être animatrice de radio ?

Que ce soit les hommes ou les femmes, il y a une étiquette négative que certains nous collent. C’est vrai que certains ne sont pas des anges mais cela est valable dans tous les domaines d’activités. Avec la mosaïque à Soxna FM, on était encore plus vulnérable car certains nous voyaient pour la première fois. Ce que je déplore par ailleurs c’est la jalousie qui existe entre les animateurs et qui à mon avis n’est pas nécessaire. Je pense personnellement que j’ai fait presque tous les genres musicaux et à dire vrai, c’est la radio elle-même qui est la star, donc un mauvais climat ne fait que détériorer les relations entre les animateurs. Quelque fois je perds l’envie d’animer, mais c’est pour des fans, des fideles auditeurs que je suis contrainte de rester et de persévérer. Pour paraphraser Michael SOUMAH : « Il y a beaucoup de radios, c’est pourquoi tout le monde anime ». C’est pour dire que les animateurs doivent encore apprendre parce qu’il ya encore du travail. L’animation de radio est un des métiers les plus nobles qui puissent exister. Moi j’apprends toujours quand j’écoute Claudy SIAR et Michael SOUMAH. On doit donc revoir les propos que l’on tienne à l’antenne. La radio est très passionnante et je l’aime plus que la télé. Elle nous permet entre autre aussi d’avoir un bon carnet d’adresse.

Dakar Musique : Concrètement, comment préparez-vous une émission ? Que faites vous avant, pendant, et après ?
Cela dépend des émissions, quand il s’agit d’une émission à thème par exemple il y a toute une préparation à faire. Si je dois inviter Ismael LO, Omar PENE ou Youssou NDOUR ça ne nécessitera pas aujourd’hui pour moi de faire un grand travail, c’est des gens que j’ai reçu en interview plus d’une fois. Par contre si c’est une autre personne que je ne connais pas il y a tout une recherche que je dois faire sur cette dernière et rien ne m’empêche d’aller sur le net pour trouver des éléments la concernant. Pour des émissions musicales ça ne nécessite pas une grande préparation, par exemple quand on choisit un thème comme l’amour, on sélectionne des titres qui partent dans ce sens et puis voilà quoi. Mais quand c’est une variété musicale, l’auditeur attend de toi que tu lui parles de l’histoire de Maria CAREH, de Francis CABREL ou encore Elton JOHN. Une personne avertie saura ce que tu dis.

Dakar Musique : Sur la grille des programmes, quelle est la tranche d’horaire que vous préférez, et pourquoi ?
J’aimais bien la nuit mais maintenant mes habitudes ont changé et je me couche tôt, ceci dit je n’ai pas vraiment de programme par rapport aux heures. Mon travail consiste à meubler l’antenne ce qui fait que l’heure n’est pas un souci pour moi, c’est une question de mentalité.

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Dakar Musique : Si demain on vous donnait les clefs d’une radio, vous feriez quel type d’émission ? Vous passeriez quoi comme musique ? Votre programme idéal quoi ?

Je mettrais d’abord la personne qu’il faut à la place qu’il faut, ça c’est un. Puis je ferais en sorte que les journalistes et les animateurs connaissent leurs rôles respectifs. J’établirais un programme carrément musical avec la manière bien sur. Je ne pense pas qu’on puisse commencer avec le mbalax à 6H du matin, il faut débuter avec une matinale en musique douce et progressivement on rentre l’auditeur dans le rythme. Les gens en ont marre quelques fois d’entendre des ragots, des informations sur la violence, la pauvreté, ils ont besoin plutôt de relaxer, et d’esperer.

Dakar Musique : Et si vous n’aviez pas réussi à faire ce métier, vous aviez « un plan B » en tête ?
En classe de CMII, j’ai déclaré à ma famille que je voulais entrer dans l’armée pour devenir commando, comme j’étais un garçon manqué j’adorais ce métier. J’ai également à un moment voulu devenir avocate, mais ce que je sais c’est que j’ai toujours eu le besoin d’être au service des autres, une mère Theresa si vous voulez. Mes désirs, mes problèmes passent au second plan derrière ceux des autres, je suis là pour servir les gens.

Dakar Musique : Quel sera votre dernier message ?
Je salue d’abord votre initiative, j’aime bien ce que l’équipe de Dakar Musique fait, on a toujours besoin de nous exprimer en dehors de notre support médiatique habituel. J’implore tout le monde à développer l’entraide et plus de persévérance, de ne pas rester les bras croisés et attendre qui que ça se passe. Aux animateurs je leur dit que nous avons un métier noble et que nous avons tous la même mission, donc qu’ils sachent que seule l’union fait la force. Que Dieu nous donne la paix intérieure qui, selon moi, est la seule qui vaille.

Ndeye Mané TOURE

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