METZO DJATAH: « Si nos dirigeants se comportaient avec le peuple comme ils se comportent avec leurs enfants personne ne nous voleraient nos biens. »

par | 9 avril 2013 | Interviews

Metzo Djatah est un artiste-auteur et compositeur qui évolue dans la mouvance acoustique du Sénégal. Les sénégalais ont connu ce passionné de musique à travers sa chanson Djembering qui a eu beaucoup de succès chez les enfants et par la suite chez les adultes. Djembering est sortie il y a 13 à 14 ans suivie de « roots acoustikeur » 10 ans après et qui est en train de faire son chemin avec les tubes que sont: « roots », « en passant », « les temps sont dures », « bebeyo » etc. Pour réussir son objectif qui est de servir l’Afrique et le Sénégal partout dans le monde, il ne se fixe pas de limite. De retour de voyage pour participer au festival de Djembering, Metzo a bien voulu accorder une entrevue à Dakar Musique. Entretien.

Dakarmusique.com: quelles sont les nouvelles de Metzo ?
Je suis de retour de la France il y a pas longtemps pour participer au grand concert en perspective pour  le festival de Djembering qui va se dérouler  le vendredi  inchala. La semaine suivante, on sera à Dakar pour une série de concert  à l’école américaine, le 20 avril on retourne encore en Casamance plus précisément au Cap Skiring pour le festival de Cisco et, le 23 du même moi  je vais  à Londres pour d’autres activités.
Dakarmusique.com : comment expliquer le succès de « Roots Acoustikeur » et votre notoriété en France?
Pour ce qui est de ma notoriété je ne pourrai pas y répondre parce que la notoriété ne vient pas de soi, elle est du ressort  des autres. Ce que je peux dire c’est que j’ai remarqué  que l’album « roots acoustikeur »  a eu beaucoup de  succès. Pourquoi? Je pense que c’est dû au fait que  c’est  un album qui a une âme, qui dégage des vibrations qui touchent tout un chacun. J’inscris ma musique dans cette lignée, quand j’écris  une chanson, j’essaie de puiser au plus profond de mon être pour donner et dire quelque chose de vrai. C’est ce qui fait que les gens ressentent mes mélodies, mes textes et me donnent un tant soit peu du crédit.

Dakarmusique.com : comment s’est faite votre rencontre avec la musique reggae?
Je suis un reggae man pour ne pas dire un reggae man raté et ma musique est du reggae. En écoutant ma  musique on sait automatiquement que c’est du reggae, le texte, l’inspiration, la mélodie tout est reggae. Je suis reggae man dans l’âme, le reggae est une musique que je  ressens au plus profond  de mon être, c’est la vérité musicale par  excellence.

Dakarmusique.com : qu’est ce qui explique le titre de votre dernier album  « roots acoustikeur »?
« Roots Acoustikeur »  fait référence  à  cet amour que j’ai du reggae et de mon village Djembering. Il ne faut pas oublier que ma chanson référence parle de mes racines, de mon village qui se trouve au fin fond de la Casamance et de cet amour que les africains ont pour le village. Tout africain vient d’un village qui est la division administrative par excellence  de l’Afrique. Si on devait voir ce que l’Afrique a apporté  au monde en termes d’administration je pense bien que c’est le village qui est africain. Pour ce qui est de la musique acoustique, tout le monde sait que je suis un fervent défenseur de cette musique, je la mets  en avant et j’exhorte et je porte tous les jeunes qui ont des guitares et qui veulent s’exprimer avec.

Dakarmusique.com : « roots, je veux rester roots, garder mon esprit roots tout le temps que je vivrai baye Fall ». C’est quoi être roots et  à  quoi reconnait on le roots?
J’ai voulu faire la corrélation entre être roots et être baye Fall parce que le roots fait référence à la Jamaïque, au reggae, au retour que les jamaïcains ont voulu faire vers la terre mère, vers  l’Afrique. Le baye Fall est une idéologie fondée dans l’islam et qui défend les mêmes valeurs que celles jamaïcaines notamment avec Cheikh Ahmadou Bamba et Cheikh Ibrahima Fall. Cette  corrélation est judicieuse en ce sens que c’est  cet esprit qui devrait animer nos dirigeants, nos professeurs, tout un chacun pour un développement harmonieux de l’Afrique. Chacun se doit d’être le baye Fall de l’autre, le serviteur de l’autre parce que c’est l’autre  à qui on doit donner .Il nous manque  cette philosophie baye Fall, cette philosophie roots  pour justement voir que l’Afrique est notre terre et qu’il n’y a que nous qui pouvons la sortir de cette galère, de cette nuit sans étoile ou elle s’engouffre de jour en jour.

Dakarmusique.com : dans « roots » vous dites « : ‘’ma musique est un don tu sais, mes lyrics me viennent de la haut tu sais ». Est ce pour dire que vous n’avez pas appris la musique?
Ceux qui me connaissent savent que j’ai fait des études supérieures en France et ce n’est qu’à la fin de mes études que j’ai forcé la porte de la musique. Dans « roots » je raconte ma vie, ma période estudiantine et,  du forcing que j’ai fait pour entrer dans la musique. Cette musique que je fais est un don divin parce que jamais à 22 ans j’aurais cru que je serais musicien.

Dakarmusique.com : Bob Marley a chanté « Africa United » et Tiken Jah Fakoly  « Africain » et Metzo Djatah vient avec « ma musique est africaine, ma mentalité est africaine et ma solidarité couleur d’ébène ». Réflexion.
C’est vrai que « les temps sont dures » est un titre assez spécifique que les gens aiment beaucoup par la force du verbe. J’ai voulu faire comprendre dans ce titre que tout ce que je dis vient d’un africain et ne peut être qu’africaine. Je ne peux défendre, prôner, ou chanter quelque chose d’autre qu’africaine. Il faut que les gens intègre dans leur conscience ou subconscience  que l’Afrique est un continent qui avance, que la tradition est une chose, que la modernité en est une autre et que nous nous  devons d’entrer dans la modernité par la tradition.

Dakarmusique.com : qu’est ce qui vous indigne le plus aujourd’hui?
Ce qui m’indigne c’est que les sénégalais sont entrés dans un processus  d’indifférence qui fait  que chacun essaie de sauver sa peau, le médecin ne soigne plus quand il n’est pas payé … tout se résume à l’argent  qui fait et défait les choses.  Le sénégalais ne sert plus le Sénégal, il faut que nous revenions  à  de meilleurs sentiments, qu’on limite la pauvreté pour que les gens puissent servir leur nation.

Dakarmusique.com : « jamais un mensonge ne dure, moi je crois au futur ». Qu’est ce qui fonde cet optimisme?
Je ne fais que transcrire des proverbes que nos ancêtres ont dit et redit, par exemple dans le répertoire de kocc barma jamais un mensonge ne dure veut dire « loudoul deug dou yagg », le bon sens africain le veut ainsi  et c’est une vérité indéniable. De plus croire au futur est le secret de la bonne humeur parce que « inchala rek moffi nekk », il ne nous appartient pas de décider de ce qui doit advenir demain.

Dakarmusique.com : pourquoi les africains sont si pauvres alors que l’Afrique est si riche?
Mais parce que les africains n’ont rien compris  et ceci nous ramène encore une fois vers  la philosophie roots et baye Fall dont je  te parlais tout  à l’heure. Si nos dirigeants avaient compris que le plus petit des sénégalais doit manger à sa faim, qu’il  est anormal qu’un africain ne puisse respecter les trois repas du jour, alors on partagera nos richesses et on n’acceptera pas d’être voler impunément.  Si nos dirigeants se comportaient  avec le peuple comme ils se comportent avec leurs enfants  personne ne nous voleraient nos biens. Nous sommes responsables de nos malheurs et les dirigeants africains, les intellectuels africains en ont une grande part de responsabilité. Quand les africains auront  à cœur de construire de grande nation ils auront de grande nation.

Par Abdoulaye DIAW, Dakar Musique
[email protected]

Articles similaires