Frères Guissé : «les sénégalais écoutent la musique par les pieds… »

par | 26 mars 2013 | Interviews

C’est durant une période où on voyait l’ombre de la haute stature du ‘’Mbalakh’’ sur la quasi totalité des productions musicales sénégalaises que le Frères Guissé ont osé apporter une innovation ; ils ont imprimé à cette musique une nouvelle teneur acoustique. Ces trois frères ont mordu à l’hameçon de la musique par le biais du théâtre, ensuite ils s’y essayaient au lycée pour se rendre compte qu’ils avaient en fait de l’avenir dans la musique. Djiby et Cheikh ont joué à deux jusqu’en 1995 où Aliou les rejoignait. Novateur par leur style musical, les Frères Guissé ont sillonné le monde et mis des albums très plébiscités sur le marché national comme international. Retour sur un moment agréable où Djiby a parlé à dakarmusique.com de ce qui fait leur actualité, de ce qu’ils pensent de la femme… Rencontre.

Dakarmusique.com : qu’est-ce que les Frères Guissé concoctent pour le moment ?
Hier nous étions au studio pour un travail que nous avons envoyé à un producteur américain, et actuellement nous préparons notre album international. Dans 15 jours nous irons faire une tournée en France, mon anniversaire c’est le 13 avril, à cette date je jouerai à Grenoble ‘’So Alla Diami’’ (si Dieu le veut en Pulaar). Puis ce sera parti pour une série de concerts en France, à Bruxelles en Belgique et éventuellement en Italie. En fait on fera une tournée de 20 jours et ensuite nous reviendrons pour préparer notre festival sur l’environnement en juin, en juillet nous irons au Canada.

Dakarmusique.com : parlez-nous un peu de votre dernier morceau ‘’Jigeen Djou Wéroul’’.
‘’Djigeen Djou Wéroul’’, c’est une collaboration qu’on a faite d’un projet du Ministère de la Culture par le soutien du Japon de part l’A.J.K. etc. L’objectif de la chanson c’est de changer les habitudes des sénégalais en vers les femmes  enceinte. A travers ‘’Djigeen Djou Wéroul’’ nous avons  voulu situer la responsabilité de tout un chacun par rapport à la femme qui est en état de grossesse ; l’assistance que nous devons lui apporter afin que le bébé puisse naitre en  bonne santé et qu’il puisse servir son pays. Là nous avons terminé le tournage du clip, certainement durant la semaine à venir il tournera sur les écrans.

Dakarmusique.com : l’album ‘’Siré’’ était sensationnel.
Oui c’est un beau souvenir ! ‘’Siré’’ était sorti en 1998, nous étions jeunes et nous avons pu prouver par notre musique, que 3 personnes sur scène pouvaient faire bouger beaucoup de monde. Nous avons pris un risque avec notre choix musical qui n’était pas très populaire, les gens nous disaient que ça manqué de rythme, mais ça nous a ouvert plusieurs portes surtout à l’extérieur.

Dakarmusique.com : l’album ‘’Fama’’ tourne encore dans  les oreilles.
‘’Fama’’, ce fut  le premier ! Mais personne ne voulait nous produire parce que ça disait que notre musique était de l’acoustique, une musique trop légère qui manquait cruellement de rythme, qu’il fallait qu’on la renforce d’instruments. Ce qui est frappant avec ‘’Fama’’, c’est que quand on enregistrait cet album nous n’avions pas assez d’argent.Nous entrions en studio et quand on  avait plus de sous, nous allions jouer dans les cabarets pour en amasser et revenir au studio. Et depuis lors, nous avons été nos propres producteurs.

Dakarmusique.com : les intitulés de vos albums sont souvent des  prénoms de femme par exemple : ‘’Siré’’, ‘’Fama’’ et ‘’Ndeye’’.
Toutrepose sur la femme ! On s’aperçoit de jour en jour qu’en Afrique l’éducation des enfants repose en fait sur les épaules des femmes, parce que dans notre société traditionnelle, c’est à l’homme d’aller chercher de quoi nourrir sa famille, et donc c’est à la femme de se charger de l’éducation des enfants ; ce qui fait que c’est un lourd fardeau pour elles, alors il faut comme il se doit trouver un moyen de les apaiser, en outre les aider à mieux s’orienter sur le plan des droits car elles sont des êtres humains comme nous. Il faut donner aux femmes la véritable place qui leurs revient de droit dans ce pays.

Dakarmusique.com.com : avec l’album ‘’Le jazz du Fuuta’’ vous êtes devenu plus jazz.
‘’Le Jazz du Fuuta’’, c’est une collaboration avec un orchestre de Jazz Hollandais, ça a été une symbiose musicale, une rencontre de l’Occident avec l’Afrique. C’est pourquoi ce sont des voix très originales des Frères Guissé mélangées à du Jazz. Et dès la sortie de l’album nous avons eu un prix non pas en Hollande mais en Inde et aux USA. Cela nous a permis de faire une tournée en Hollande avec un orchestre philarmonique de plus de 60 musiciens sur la scène !!!

Dakarmusique.com : on a l’impression que vous avez un peu levé le pied car il fut un temps où vous étiez plus présents sur la scène musicale.
Effectivement c’est que nous avons  mis l’accent sur les tournées. Nous voulons bien jouer ici mais nous sommes également obligés d’aller en tournée ; au Sénégal on vend nos concerts or à l’extérieur ce sont nos concerts et nos CD que nous vendons ; à chaque concert nous vendons minimum 100 CD, cet argent nous fait vivre et dommage que le paysage musical sénégalais ne soit pas assaini.

Dakarmusique.com : que pensez-vous avoir  apporté de plus à la musique sénégalaise ?
La première chose c’est la mise en valeur des mélodies, des voix et de la polyphonie vocale, parce qu’aujourd’hui la musique populaire sénégalaise repose sur la rythmique. On dit souvent que les sénégalais écoutent la musique par les pieds or il n’y pas que cette possibilité ; la musique s’écoute par le cœur, la tête etc. nous sommes parvenus à amener un genre musical où les gens restent assis et en outre écoutent, les toucher au cœur en leurs donnant une musique qui a de l’âme.

Dakarmusique.com : connaissez-vous le site et web radio Dakar Musique ?
Oui et ce qui est intéressant c’est que c’est sur la toile. Il y a beaucoup qui pense que ce sont les radios des bandes FM seulement qui peuvent accrocher alors que ce n’est pas le cas. Les radios web se captent partout dans le monde et c’est cela même qui me charme.

Par Moustapha KORERA, DAKAR MUSIQUE
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