Cheikh Lô: Sénégalais à la défense d’un patrimoine vivant

par | 18 avril 2012 | Chroniques

Issu de la mouvance ouest-africaine des années 80 et 90, de la génération des Youssou N’Dour, Baaba Maal, Ismael Lô et autres Touré Kunda, le chanteur sénégalais Cheikh Lô est fier de ses acquis. Il souhaite néanmoins la montée en force d’une nouvelle génération de musiciens soucieuse d’actualiser son patrimoine qu’il estime toujours vivant.

Au début de sa carrière, Cheikh Lô fut associé à l’Orchestre Volta Jazz,  groupe versé dans la rumba cubaine et/ou congolaise ainsi que dans la musique traditionnelle du Burkina Faso – où il est né de parents sénégalais. Au tournant des années 80, il a joint différentes formations de m’balax,  style sénégalais qu’a popularisé Youssou N’Dour. Fin des années 80, Lô se retrouvait à Paris où il put enregistrer avant de rentrer au Sénégal où il vit toujours. Au fil du temps, il a mis au point une proposition composite : rumba, soukouss, reggae et m’balax.

«J’ai toujours fait quelque chose de plus vaste et plus varié que le m’balax sénégalais, comme on peut le constater sur mon dernier album lancé en juillet 2010 – Jamm, étiquette World Circuit. J’y utilise des cuivres et des cordes, par exemple. Chaque nouvelle production doit suggérer des touches différentes, ce qui n’est pas évident mais… Lorsque tu fais un album qui marche bien, il te faut te renouveler et satisfaire les attentes pour la suite des choses.»

Jamm est le quatrième album de Cheikh Lô à jouir d’une  distribution internationale et le sixième de sa discographie selon les dires du principal intéressé. Des musiciens de renom y ont été invités, à commencer par le fameux batteur nigérian Tony Allen établi en France ou le saxophoniste Pee Wee Ellis, ex-membre de l’orchestre de feu James Brown expatrié en Angleterre.

Joint la semaine dernière à Washington, une étape de sa tournée américaine, le chanteur sénégalais se rappelle s’être produit à Montréal dans les années 90. «À Montréal, indique-t-il, on se produira avec un effectif de sept personnes : saxophone, guitares, basse, batterie, tama, percu et moi.  Je chanterai en wolof, en djoula, en français.»

S’y adressera-t-il aux nostalgiques de la pop ouest-africaine? Le quinquagénaire est invité à se prononcer sur l’état de la musique populaire de son pays, dont les représentants internationaux prennent de l’âge.

«On est en 2012, on s’attend donc à ce que la jeunesse sénégalaise porte aussi le flambeau. Or la musique sénégalaise avec instruments reste dans la même lignée que celle préconisée par ma génération. Je crois aussi que cette stabilité est liée aux choix des producteurs, maisons de disques et agents de tournée. Il nous faut de nouveaux intervenants qui s’intéressent à ce que font les plus jeunes. Aujourd’hui, on trouve moins de musiciens qui sortent du Sénégal où la génération d’artistes rap/R&B est plus présente.  Pour la musique initiée dans les années 80, nous avons vraiment besoin d’une relève même si cette musique n’a pas d’âge.»

Associé à la confrérie musulmane des Mourides, qui met de l’avant une manière de soufisme adapté au contexte ouest-africain, Cheikh Lô prend soin de bien doser les injections de spiritualité dans son répertoire chansonnier. «Le mouridisme estime-t-il néanmoins, c’est toute ma vie. Le lien avec ma musique ? Dans chaque album, j’ai des titres qui parlent de cette confrérie qui est une forme de soufisme de l’Afrique de l’Ouest. Et voilà… Dans chacun de mes albums, il y a un morceau qui parle de spiritualité.»

Et que dire de la conjoncture sénégalaise ? Encore là, Cheikh Lô fait preuve de modération.

«Plusieurs ont eu l’impression que ça allait éclater et finalement tout s’est passé dans l’ordre. Il n’y a pas eu ce déchirement que les gens craignaient. Ça s’est bien terminé, démocratiquement et sans querelles violentes, sans coups de feu. Le choc du départ était le suivant : le président sortant voulait un troisième mandat auquel plusieurs se sont opposés. Mais bon, les sages qui s’occupent de la constitution avaient validé cette sollicitation, néanmoins il a perdu et il a reconnu sa défaite.»

On ne rappellera pas à Cheikh Lô qu’Abdulaye Wade, le controversé président sortant, est aussi de la confrérie Mouride, laissons-le plutôt le défendre :

«Il s’est comporté en bon démocrate, contrairement à ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire. Bien sûr, nous avions observé pas mal de déchirements au premier tour mais après, tout s’est calmé. Les gens ont compris qu’il fallait cesser les affrontements et aller voter. Très différent de ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire alors que le président sortant, Laurent Gbagbo, a nié les faits et s’est accroché au pouvoir avec toute cette violence qui s’ensuivit. Aujourd’hui, on ne peut plus faire des élections avec des magouilles, il faut se mettre à la démocratie.»

Alain Brunet

Source : Cyberpresse.ca

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